« 12 hommes en colère », tensions et doutes sur la scène de l’Hébertot

Au milieu des années 50, tirant le scénario de sa nouvelle pièce d’une expérience personnelle, le dramaturge américain Reginald Rose écrit 12 hommes en colère.

Au tribunal de New York, à l’issue d’un procès expéditif, douze jurés se retirent pour délibérer. S’ils le déclarent coupable, c’est la peine de mort qui attend l’accusé. Une affaire jouée d’avance, un verdict qui ne semble ne faire aucun doute en réalité, puisque tous les éléments sont à la charge du jeune adolescent noir, que l’on juge pour le meurtre de son père.

De plus, qu’il soit garagiste, horloger, publicitaire, entraîneur, architecte ou ouvrier, chacun des jurés a d’autres choses à faire, et le match de base-ball commence à 20 heures. Il n’y a pas de temps à perdre.

Seul devant la fenêtre, le juré numéro 8 se tient à l’écart, semblant ne pas partager le même entrain ni les mêmes certitudes que les onze autres. Un doute que ne fera que confirmer le premier vote à main levée. Tous votent « coupable » sauf un : le juré numéro 8. Non pas qu’il croit en l’innocence de l’accusé, mais il a de sérieuses réserves. Après tout, la vie d’un gamin paumé et sans repère vaut bien qu’on lui consacre quelques minutes, non ?

Dans des échanges tendus et emportés, accentués par le violent orage qui se déchaîne à l’extérieur, une à une, les preuves accablantes vont céder la place aux doutes.

Il y a bien un témoin oculaire, certes, un seul d’ailleurs, qui devait ne pas porter ses lunettes à ce moment-là, et dit avoir vu la scène à travers les vitres d’une rame du métro aérien en pleine course. Quant au voisin du dessous, un vieil homme boiteux qui aurait tout entendu et se serait précipité à sa porte pour voir l’assassin dévaler les escaliers, on peut là aussi douter du temps que cela lui aurait pris. Même l’angle d’attaque du couteau semble ne pas tenir la route, ce fameux cran d’arrêt, élément essentiel de l’enquête, soi-disant d’un modèle très rare mais dont on peut trouver l’exacte copie pour six dollars chez un prêteur sur gages du quartier.

Décidément non, cette affaire n’est pas si simple… Mais pour arriver à un verdict, le jury doit se prononcer à l’unanimité. Douze votes identiques. Reste à les convaincre tous, un par un.

Pour la quatrième adaptation théâtrale de ce huis-clos parfait, adaptation signée Francis Lombrail, qui campe ici le rôle du juré numéro 3, Charles Tordjman fait évoluer les protagonistes dans une mise en scène dépouillée de tout superflu, concentrant l’intérêt de la pièce sur le jeu des acteurs et la gravité du choix qui leur incombe. Une longue banquette où prennent place, côte à côte, ces « douze hommes en colère »,  et une fenêtre qui ne laissera pénétrer dans la salle du jury que les lumières violentes d’éclairs aussi électriques que l’ambiance.

Alors certes, on ne saurait faire de parallèle entre cette adaptation, fort réussie, et le chef-d’œuvre de 1957 signé Sidney Lumet, qui réalise alors son premier long-métrage, couronné par trois Oscars. Mais les possibilités techniques du cinéma n’étant pas utilisables sur une scène de théâtre, il aura fallu à Francis Lombrail et Charles Tordjamnn une grande et ingénieuse maîtrise pour parvenir à ce résultat plus que convaincant, servi par une très bonne distribution.

Et le public ne s’y trompe pas : la salle est pleine, et les acclamations finales longues et enthousiastes !

12 hommes en colère, à partir du 30 septembre 2022 au théâtre Hébertot.

Si vous désirez aller plus loin :

12 hommes en colère, l’avant-scène théâtre. 100 pages. 10,20€.
12 hommes en colère, de Sidney Lumet. DVD. 92 minutes.

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