« Étonnez-moi ! », la rétrospective de Philippe Halsman au Jeu de Paume

Depuis maintenant dix ans, le Jeu de Paume, fusionné en 2004 avec le Centre National de la Photographie, propose aux amateurs d’art et de photographie des expositions et rétrospectives de très grande qualité. Et Etonnez-moi !, qui vient d’ouvrir ses portes à Paris le 20 octobre avant d’être présentée à Rotterdam, Barcelone et Madrid en 2016 et 2017, ne déroge pas à la règle.

A travers un parcours composé de quatre thématiques, ce sont quelques 300 oeuvres — planches contact, épreuves préliminaires, tirages originaux, maquettes… —, qui permettent de mieux comprendre le processus créatif et éclairent près de cinquante ans de travail du photographe d’origine lettone Philippe Halsman.

Accusé d’avoir tué son père, mort accidentellement lors d’une randonnée dans le Tyrol autrichien, Philippe Halsman, alors âgé de 22 ans, est condamné à dix ans de prison. Le soutien d’importants intellectuels européens – Albert Einstein, Thomas Mann, Sigmund Freud entre autres – lui permet d’être libéré et de gagner Paris en janvier 1931 où il obtient l’asile grâce au ministre Paul Painlevé.

Dans la capitale française, il réalise de nombreux travaux d’anonymes (études de têtes ou d’expressions, nus), mais également de personnalités telles que Marc Chagall, le Corbusier, André Gide, Maurice Grossman, André Malraux. Autant de clichés qui lui permettront d’entrer dans le milieu parisien et d’exposer à de nombreuses reprises à la galerie avant-gardiste la Pléiade aux côtés de Man Ray ou d’André Kertész.

Avec l’arrivée de le Seconde guerre mondiale, la famille de Philippe Halsman s’enfuit vers les Etats-Unis. De nationalité lettone, il ne peut en revanche quitter la France. Il lui faudra attendre six mois avant d’obtenir un visa d’urgence, décroché grâce à l’intervention d’Albert Einstein – encore – auprès d’Eleanor Roosevelt.

Le 5 octobre 1942 marque la réalisation de Eye Catcher, une photographie de mode pour illustrer la couverture du magazine Life, première d’une longue série puisqu’au cours de sa carrière, il réalisera 101 couverture pour ce même magazine et l’entraînera à la rencontre des plus importantes personnalités du 20ème siècle : Rita Hayworth, Audrey Hepburn, Vivien Leigh et Laurence Olivier, Anjelica Huston, Richard Nixon, le duc et la duchesse de Windsor, Grace Kelly, Marc Chagall, Pablo Picasso, sans oublier Marilyn Monroe, à qui la scénographie consacre une large place dans la seconde section.

A l’automne 1949, Philippe Halsman est envoyé à Hollywood par le magazine Life afin de réaliser un reportage sur huit starlettes se destinant à une carrière d’actrice. Sa rencontre avec celle qui était encore Norma Jean devait donner lieu à de multiples collaborations de 1949 à 1959, dont certains clichés témoignent de la complicité.

« Marilyn était la seule à émerger du groupe de starlettes. Les photographes ont découvert sa faculté naturelle à flirter avec l’objectif de l’appareil, et son image de blonde, sa disponibilité instantanée en ont fait une des pin-up les plus populaires aux Etats-Unis. Marilyn sentait que l’objectif n’était pas seulement un oeil de verre, mais le symbole du regard de millions d’hommes. Elle savait courtiser l’objectif mieux que n’importe quelle autre actrice que j’ai photographié.« 

Philippe Halsman.

Un des autres sujets préférés de Philippe Halsman fut sans nul doute Salvador Dali, avec qui il partage une collaboration unique pendant près de quatre décennies. Profitant mutuellement de leurs talents respectifs, Halsman et Dali, jouant avec sa légendaire moustache, travailleront ensemble pendant 47 séances, donnant lieu à plus de 550 images révélant leur compréhension des possibilités infinies offertes par l’art de la photographie.

La dernière section est quant à elle consacrée à la « jumpology », sorte de nouvelle approche du portrait psychologique qu’Halsman développe dans les années 50 et auquel se sont prêtés plus de cent personnalités politiques, scientifiques,  mais aussi acteurs, chanteurs ou têtes couronnées. Selon lui, l’action de se concentrer sur le saut désinhiberait le sujet qui laisserait par conséquent tomber son masque. Lorsqu’il explique à Marilyn Monroe en 1954 le concept de la « jumpology », l’actrice refuse de répéter l’expérience. Elle reviendra finalement sur sa décision cinq ans plus tard pour la couverture du Life Magazine du 9 novembre 1959, prise de vue qui nécessita trois heures de travail et plus de 200 sauts, Marilyn souhaitant réaliser le « saut parfait ».

Les ultimes oeuvres exposées en toute fin de parcours sont quant à elles consacrées au cinéma, avec des portraits de Fernandel, de Jean Cocteau en visite à New York, ou de superbes clichés de Tippi Heldren et Alfred Hitchcock pour la promotion du film Les oiseaux, en 1962.

Une très belle exposition à découvrir jusqu’au 24 janvier 2016 au musée du Jeu de Paume.

Si vous désirez aller plus loin :

Philippe Halsman : Etonnez-moi !, le catalogue de l’exposition, aux éditions Photosynthèses. 316 pages. 60,00€.
Philippe Halsman: Astonish Me !, le catalogue de l’exposition (version anglaise) aux éditions Prestel. 304 pages. 44,76€.

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