« Le repas des fauves » : Vahé Katcha vu par Julien Sibre au théâtre du Palais Royal

C’est sur la scène du magnifique théâtre du Palais Royal que se jouent actuellement cinquante représentations exceptionnelles  de la pièce Le repas de fauves, écrite dans les années 60 par Vahé Katcha, écrivain et journaliste d’origine arménienne.

Si aujourd’hui Le repas des fauves fait l’unanimité et affiche complet tous les soirs, la pièce faillit pourtant ne jamais voir le jour.

Mise en scène par Julien Sibre, qui a travaillé cinq années à son élaboration, elle est présentée pour la première fois en lecture publique en 2006 au théâtre Saint-Georges. Tous les directeurs de théâtre se montrent fort enthousiastes, certes, mais aucun ne prendra le risque de la produire. Pas de tête d’affiche lors de son lancement, la présence d’un comédien en costume nazi sur scène dérange, le sujet est peut-être récurent…

Ce sera le théâtre Michel qui, en 2010 et suite à un changement de programmation, acceptera de monter la pièce, dont la première représentation sera donnée le 14 septembre de la même année.

La pièce démarre timidement, mais les critiques sont bonnes, le public répond présent, et le bouche-à-oreilles fait son œuvre. Confronté à des difficultés financières, l’établissement envisage cependant de suspendre les représentations à l’issue de la soixantième.

Mais lorsque l’on apprend en février 2011 que Le repas des fauves est nominé à quatre reprises aux Molières, dont la cérémonie a lieu deux mois plus tard, la pièce est maintenue.

Les risques pris par le théâtre Michel s’avéreront finalement payants lorsque le 17 avril, la pièce de Julien Sibre décroche trois des quatre récompenses pour lesquelles elle était en lice : Molière de la meilleure adaptation, Molière de la meilleure mise en scène, et Molière du meilleur spectacle du théâtre privé. Le succès est dès lors immédiat, et les représentations passent de soixante-dix dates à cent trente. 

Le repas des fauves part en tournée en France, puis en Italie, en Suisse, en Belgique… De retour à Paris, la 600ème est jouée sur la scène du Palais Royal, où la troupe se produit depuis le 23 avril 2013.

Mais pourquoi un tel succès ?

Si le sujet et le contexte historique sont graves, les dialogues et les comportements sont remplis d’humour, tendant à dédramatiser l’atmosphère. Les huit comédiens présents sur scène habitent leur personnage plus qu’ils ne les interprètent et occupent les planches d’un bout à l’autre avec une justesse déconcertante. La mise en scène est parfaite, et l’ensemble est soutenu par une série d’images d’archives et d’animations graphiques en fonds de scène qui ne sont pas sans rappeler dans leurs tons les monochromes de Persépolis, et dans leurs traits les personnages de Valse avec Bachir.

L’histoire : 1942, dans un immeuble bourgeois de Paris, sept amis se retrouvent pour fêter autour de leurs hôtes Victor et Sophie le trentième anniversaire de cette dernière. Les plus modestes — et les moins débrouillards aussi — arrivent avec une paire de bas en guise de présent, tandis que d’autres sortent de leur valise plaques de chocolat, terrines, Champagne et même, comble du luxe, du café ! On trouve là médecin, industriel, veuve de guerre, ancien combattant, auteur…

Tout se passe pour le mieux, la politique est bannie des sujets de discussion, on danse, on boit, on rit… Soudain, des coups de feu éclatent dans la rue. Deux soldats allemands viennent d’être abattus sous leurs fenêtres. En quelques minutes, la Gestapo investit l’immeuble.

En guise de représailles, l’officier en charge de l’opération, le commandant Kaubach, exige deux otages dans chaque appartement, otages qui, chacun le sait, seront au mieux déportés, au pire abattus d’une balle dans la nuque. Mais lorsqu’il découvre en forçant la porte que l’appartement dans lequel il se trouve est celui de Victor Pélissier, le libraire à qui il achète régulièrement des ouvrages, Kaubach se montre « clément » en proposant de repasser récupérer ses otages après le dessert.

Et même mieux, il leur laisse le choix de désigner eux-mêmes qui seront les deux otages.

La soirée qui jusque-là avait été si agréable vire alors au cauchemar. Les personnalités de chacun se font jour. Tandis que certains se reconnaissent finalement sympathisants du régime et sans scrupules, d’autres se révèlent résistants et appellent à rejoindre de Gaulle.

L’amitié cède le pas à l’individualisme et à l’égoïsme. Entre tentatives de fuites et alternatives désespérées, on ne cherche finalement plus qui devrait survivre, mais qui mériterait le moins de vivre…

Le repas des fauves se regarde comme on regarde un film. Du bon et du grand théâtre. Bouleversant. Excellent !

Le repas des fauves, au théâtre du Palais Royal.

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