« L’enfer réglementé », l’ouvrage de référence de Nicolas Bertrand

De la Shoah, on sait aujourd’hui beaucoup de choses, même si bien d’autres restent toujours à découvrir.

enfer reglemente nicolas bertrandCe que l’on sait moins en revanche, et ce qu’a mis en avant dans sa thèse Nicolas Bertrand, de l’université Friedrich-Schiller d’Iéna, c’est l’existence précise et ordonnée, et la mise en application de règlements, arrêtés ou autres circulaires régissant la vie des détenus au sein même des camps de concentration.

En introduction à l’ouvrage, un organigramme rappelle le système hiérarchique concentrationnaire, du Reichsfuhrer Himmler aux divers services politiques, administratifs et médicaux, en passant par la Gestapo et la police criminelle, ces derniers ayant pouvoir de décision sur un éventuel internement.

Du camp de regroupement, créé au lendemain de l’incendie du Reichstag, jusqu’à son évolution en système purement concentrationnaire, L’enfer réglementé expose avec précision les dizaines de règles, usages et procédures rythmant la vie quotidienne des détenus, pour qui seulement deux lettres par mois étaient autorisées, et uniquement à un seul parent. L’adresse d’expédition devant bien entendu être la plus évasive possible afin que les familles ne puissent localiser le lieu de détention.

L’ouvrage fait aussi état des différentes infractions disciplinaires en cas de vol, trafic d’alcool, jeux de hasard, tentatives d’évasion, le régime applicable à la torture – classé secret, ainsi que les procédures menant à la condamnation à mort jusqu’à l’exécution de la peine, le traitement de la dépouille, l’information aux familles, le devenir des biens personnels du détenu…

Le travail forcé y est lui aussi encadré, avec entre autres la durée et les horaires de travail, la composition des rations, l’autorisation de réception de colis alimentaires, l’achat de biens à la cantine…

Ouverts sur ordre d’Himmler de 1942 à 1945, une dizaine de camps de concentration comme Mauthausen, Buchenwald ou Dachau comptaient également un bordel, dont la fréquentation était réservée aux « travailleurs d’excellence ». Les filles, des détenues recrutées de force, percevaient 22,5% du montant payé par les clients, 2,5% allaient à celle chargée de la surveillance, et les 75% restants tombaient dans l’escarcelle de l’administration du camp.

Passionnant à bien des égards, quoique d’apparence fort scientifique, L’enfer réglementé met en lumière un ordre et une réglementation, certes perfides et rigoureuses et ne s’appliquant bien entendu ni aux Juifs ni aux polonais, mais ne laissant en vérité aucune place à la spontanéité humaine, et « légitimant » en quelques sortes les actes des SS, qui ne faisaient plus dès lors qu’appliquer les règles.

Cependant, si on peut comprendre le crédit recherché par l’auteur en offrant sa préface à un ancien détenu, il eût été préférable qu’il porte son choix sur un rescapé qui ne fasse pas reposer l’antisémitisme sur la responsabilité des Juifs eux-mêmes, indigné à 3€10 appelant au boycott des produits israéliens et faisant de Gaza l’épicentre mondiale de l’injustice.

L’enfer réglementé, de Nicolas Bertrand, aux éditions Perrin. 397 pages. 23,90€.

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