De la Pologne à Brooklyn, Radu Mihaileanu nous conte « L’histoire de l’amour »…

Pologne, années 30. L’histoire de l’amour d’un garçon, Léo, pour une fille, Alma. Il lui fait la promesse de n’aimer qu’elle toute sa vie. Une jeunesse insouciante que la guerre les sépare. Alma doit fuir pour être en lieu sûr, et part pour New York.

Confiante du talent littéraire de Léo, Alma lui demande d’écrire un livre sur elle et sur leur histoire, un chapitre dans chacune des lettres qui lui seront destinées. Cet ouvrage est une vraie déclaration d’amour, un engagement.

Léo survit aux atrocités de la guerre, et part à son tour à New York retrouver l’amour de sa vie… Mais les retrouvailles ne se passent pas comme il aurait souhaité. Alma s’est mariée, et elle lui apprend qu’il a un fils, Isaac. Alma lui demande de ne pas lui révéler qu’il est son père.

New York, de nos jours. Comme la majeure partie de la communauté juive new-yorkaise, la jeune Alma Singer, qui porte le même prénom que l’héroïne du livre, vit dans le quartier de Brooklyn avec sa mère et son jeune frère, « Bird ». Depuis la disparition de son père, Alma veille sur sa petite famille.

Le jeune Misha, d’origine russe, n’a yeux que pour elle, mais Alma privilégie l’amitié à l’amour, un amour qui pour elle n’existe que dans les livres.

Avec les économies provenant de ses ventes de limonades, « Bird » fugue pour se rendre à Jérusalem. Là, il se prend pour un « Lamed Vovnik », un Sage qui porte la Terre sur ses épaules. Le monde dans lequel il évolue ne lui satisfait pas : la disparition de son père, sa mère excentrique et esseulée, sa sœur qui se refuse à aimer, les guerres, les famines, les injustices… « Bird » se donne pour mission de sauver le monde, de le rendre meilleur.

Soixante ans après sa vie en Pologne, on retrouve Léo à Manhattan. Il habite Chinatown, à proximité de la  grande synagogue du Lower East Side, qui fut à la fin du 19ème siècle un ancien quartier Juif très pauvre. Léo est sans doute le dernier Juif de ce quartier… ou presque. Il y vit accompagné de son vieil ami Bruno, un ami imaginaire ; sa conscience en quelques sortes…

L’histoire de l’amour retrace deux histoires parallèles : celle de Léo, que l’on voit évoluer depuis ses dix-huit ans, jeune, romantique, sensible et insouciant, et qui s’endurcit en subissant la séparation d’avec Alma, la Shoah, sa poursuite par les nazis, et son déracinement lors de son émigration ; et celle d’Alma Singer, jeune fille dont l’amour est devenue une utopie.

La fiction crée un lien entre deux générations, deux continents, deux époques.

Radu Mihaileanu, né en Roumanie sous la dictature communiste, est le fils du journaliste Juif Mordechaï Buchman, déporté en camp de travail qui, après s’être évadé, changea son nom en Ion Mihaileanu, plus roumain. Ce changement d’identité va fortement influencer les films du futur réalisateur, comme dans Train de vie en 1998, dans lequel il évoque l’histoire d’un village Juif qui crée un faux train de déportation pour fuir l’Holocauste, ou dans Va, vis et deviens en 2004, où il s’inspire de l’exode des Juifs éthiopiens vers Israël et leur intégration complexe.

Ici, Radu Mihaileanu adapte le livre de Nicole Krauss, une tragédie sur le sentiment amoureux, la crise actuelle de l’humanité qui fusionne adroitement avec la comédie.

« L’humour fait partie de notre identité, de nos traditions juives, familiales, arme contre la dictature, et il a adouci mon destin d’immigré.« 

Radu Mihaileanu.

L’humour permet la survie du personnage de Léo, interprété par l’excellent Derek Jacobi. Il peut tout faire, être à la fois attendrissant et méprisable. Un rôle sur mesure ! Quant à Alma, il fallait une femme belle et brillante pour incarner « la plus aimée du monde », à la fois forte et fragile. Le choix s’est donc naturellement porté sur Gemma Arterton. Et lorsque l’on voit le film, on comprends pourquoi.

Le personnage d’Alma Singer jeune fille est assuré par Sophie Nélisse, comédienne canadienne remarquée par son interprétation dans La voleuse de livres, film récompensé à trois reprises, dont celui de la Révélation de l’année aux Satellite Awards.

La musique d’Armand Amar est parfaitement adaptée aux scènes du film : la clarinette se réfère au temps passé, au shtetl, à la musique klezmer, apportant une douce nostalgie, tandis que le violon renvoie à l’épique. Cordes et cuivres accentuent le déchirement et le thème du Déluge. Le piano quant à lui renforce le sentiment amoureux.

Une fois de plus, Radu Mihaileanu signe un film bouleversant, rempli de sensibilité, d’humour, et… d’Amour. L’Amour avec un grand A. Du grand art !

Si vous désirez aller plus loin :

L’histoire de l’amour, de Nicole Krauss, aux éditions Folio. 459 pages. 9,20€.

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