« L’opinion allemande sous le nazisme » : l’ouvrage essentiel de Ian Kershaw

Dans la préface à l’édition française, Ian Kershaw regrette que certains aspects de son livre soient marqués par l’époque de sa conception, et il espère que cette étude devienne une base de réflexion.

Le pari est gagné : le livre est sorti aux Etats-Unis en 1981 et contribue à nourrir le lecteur tout en restant à la portée de chacun.

Nul besoin de présenter l’auteur, professeur en histoire contemporaine à l’université de Sheffield et membre de la British Academy, connu pour ses écrits sur l’Allemagne nazie et sur Hitler. Dans ce livre il s’attaque à l’image d’un führer adulé par la foule et montre l’envers du décor.  Son étude est très localisée dans l’espace comme dans le temps. Elle porte sur  la région de la Bavière d’abord de 1933 à 1939, puis de 1939 à 1945.

Ian Kershaw  y montre le quotidien des différentes classes sociales allemandes et la manière dont elles réagissent face aux différents choix politiques et économiques du gouvernement nazi. Les rapports entre  l’état et les Eglises protestantes et catholiques ainsi que les diverses réactions de la population bavaroise face à la destruction des Juifs sont ensuite étudiés.

La société est contrainte, rationnée et pressée. La différence entre le mythe défendu par la propagande et la réalité est abyssale.

Chacun réagit selon la marge de manoeuvre qui lui est propre et ses possibilités d’agir en groupe. Il semble plus facile aux ouvriers et aux Eglises de se rassembler et de coordonner des actions qu’aux paysans ou aux classes moyennes. Cependant les difficultés et la morosité ne furent l’apanage d’aucune des classes sociale présentées dans le livre, même si les situations diffèrent.

Si les Eglises eurent des victoires sur des revendications ponctuelles (affaire Meiser, celle des crucifix et l’euthanasie des handicapés), sur du long terme (écoles) elles durent plier. Et souvent sur les autres sujets, seuls les pasteurs ou les prêtres prirent position accompagnés du silence de leur hiérarchie.

En ce qui concerne la destruction des Juifs, il ressort du livre que la Nuit de Cristal fut largement désapprouvée par la population. Cependant on note une position du peuple bavarois dans l’ensemble ambivalente.  D’un côté il est influencé par un antisémitisme latent, de l’autre il désapprouve la violence à l’égard des Juifs. Pour éviter la contestation, le régime nazi a oeuvré à faire du Juif un concept lointain. La Solution Finale quant à elle est restée secrète, même si certaines réflexions peuvent laisser à penser que certains faits étaient au moins soupçonnés.

Il est clair que ces quelques lignes ne donnent  qu’un bref aperçu de la richesse du livre, de sa diversité et de ses sources. Ce livre donne tout simplement un autre regard sur cette époque, avec une société en demi-teinte.

L’opinion allemande sous le nazisme, de Ian Kershaw, aux éditions du CNRS. 594 pages. 12,00€.

Si vous désirez aller plus loin :

Holocauste, une nouvelle histoire, de Laurence Rees, aux éditions Livre de Poche. 872 pages. 9,90€.
Histoire de la Shoah, de Georges Bensoussan, aux édition PUF. 128 pages. 9,00€.
Atlas de la Shoah. La mise à mort des Juifs d’Europe. 1939-1945, de Georges Bensoussan, aux éditions Autrement. 96 pages. 19,90€.

Et pour la jeunesse :

Si je reviens un jour. Les Lettres retrouvées de Louise Pikovsky, de Stéphanie Trouillard et Thibaut Lambert, aux éditions Des ronds dans l’O. 112 pages. 20,00€.
La Shoah, des origines aux récits des survivants, de Philip Steele, aux éditions Gallimard jeunesse. 96 pages. 19,95€.
Histoire de la Shoah : de la discrimination à l’extermination, de Clive A. Lawton, aux éditions Gallimard jeunesse. 8 pages. 14,00€.
Auschwitz, de Pascal Croci, aux éditions EP. 64 pages. 16,00€.

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