« Mémoires de Ben » : Benjamin Ferencz, procureur au procès de Nuremberg

« L’affaire que nous présentons aujourd’hui est l’appel de l’humanité à la loi. »

C’est sur ces mots, lourds de sens, que s’ouvre fin 1947 le procès des Einsatzgruppen, dans la ville allemande de Nuremberg, qui n’est alors plus qu’un vaste champ de ruines.

Jeune avocat inexpérimenté de vingt-sept ans, Benjamin Ferencz fait alors face à vingt-deux accusés nazis, dont six généraux SS, accusés du meurtre d’hommes, de femmes et d’enfants.

Avec ses Mémoires, c’est dans plus de huit décennies que nous replonge « Ben », des premières années du 20ème siècle à nos jours, en passant par les heures les plus noires de l’Histoire de l’humanité. Huit décennies dont six auront été presque exclusivement consacrées à la recherche de la Paix mondiale.

En 1921, Benjamin Ferencz débarque aux États-Unis sous une fausse identité : on le fait passer pour une fille. Fuyant les persécutions antisémites en Hongrie, sa sœur et ses parents trouvent refuge dans l’Eldorado américain. Et c’est dans le quartier de Hell’s Kitchen, alors haut lieu de la criminalité à New York, que la famille s’installe jusqu’en 1926.

De cette période et de ce quartier où règnent pauvreté et insécurité, Benjamin Ferencz tirera son ambition de devenir avocat, comme si elle était la seule voie pour tenter de remédier aux maux qui ont bercé son enfance.

A Brooklyn, où sa mère s’est établie après son divorce, Benjamin affrontera le krach de 1929. Pour pallier à la crise, il enchaine les petits boulots — livreur, « sous-directeur » d’une blanchisserie chinoise —, jusqu’au jour où ses professeurs remarquent qu’il dispose d’une intelligence inhabituelle pour un garçon de son âge. Inscrit dans un institut spécialisé de la 23ème rue de Manhattan, il prépare brillamment son entrée à la New York University.

Premier membre de sa famille à entrer dans une université, il suit de 1937 à 1940 des cours de sociologie et de criminologie, et effectue parallèlement un stage en tant que bénévole au tribunal pénale de New York.

Quand en 1943 il est accepté à Harvard, la plus prestigieuse université de droit du monde, il a l’impression d’être plongé dans un rêve. Quelle revanche sur la vie et le destin pour ce réfugié européen !

Ces années au sein de l’illustre institution auront sur sa vie une empreinte indélébile, et lorsque l’un de ses professeurs de criminologie, Sheldon Glueck, qui souhaite rédiger un livre sur les atrocités allemandes, lui confie la mission de répertorier dans la bibliothèque de l’université tout ouvrage traitant des crimes de guerre nazis, il ne se doute sans doute pas que cette mission changera le cours de sa vie, et marquera celui de l’Histoire.

Soldat en Europe dans le 115ème régiment d’artillerie, il est démobilisé et invité à gagner le corps du Juge Avocat du général Patton, Washington venant de décider de monter un service pour juger des crimes de guerre. Si dans le cadre de ses fonctions d’enquêteur à la solde du Gouvernement américain, il est amené à se forger une solide expérience, il découvrira également l’enfer lorsque ses investigations le mènent dans les camps de Buchenwald, mais aussi Dachau, de Mauthausen ou d’Auschwitz.

Traumatisé par ce qu’il a vécu, il refuse encore aujourd’hui de parler de certains détails. D’y penser même.

En plus de ses missions contre les criminels nazis, il prend la tête de la Jewish Restitution Successor Organization, organisme en charge de la restitution des biens spoliés aux Juifs durant la Seconde Guerre mondiale.

Des ruelles mal famées de Hell’s Kitchen aux bancs de Nuremberg, d’Omaha Beach aux couloirs de l’ONU, Benjamin Ferencz nous plonge à la fois dans ce que l’homme peut faire de pire, mais aussi dans ce qu’il peut faire de mieux.

En 1994, une partie de ses archives personnelles — représentant cent quatre-vingt-cinq caisses, sont transférées au United States Holocaust Memorial, et sont aujourd’hui publiquement accessibles.

En plus de l’émouvant et riche récit de Benjamin Ferencz, Mémoires de Ben comporte également seize pages de photographies, ainsi qu’en annexe la déclaration liminaire du procès des Einsatzgruppen de Nuremberg en septembre 1947, la liste des accusés, et la déclaration de clôture au procès Lubanga de la Cour Pénale Internationale en août 2011.

Mémoires de Ben, de Benjamin Ferencz, aux éditions Michalon. 282 pages. 40,45€.

Si vous désirez aller plus loin :

Ne jamais abandonner, de Benjamin Ferencz, aux éditions Dunod. 128 pages. 14,90€.
Le procès de Nuremberg, d’Annette Wieviorka, aux éditions Liana Levi. 304 pages. 12,00€.
Les douze procès oubliés de Nuremberg (1946-1949), de Philippe Valode, aux éditions du Rocher. 576 pages. 22,90€.

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