Au-delà de la barrière de sécurité : « Omar », de Hany Abu-Assad…

Un jeune homme franchit un haut mur. Sitôt arrivé à son sommet, les premières balles viennent fendre le silence de la scène, et faire sursauter le spectateur.

S’engage alors une course-poursuite avec forces de police à-travers des rues et ruelles abîmées. On l’aura très vite compris : l’action du nouveau film du réalisateur palestinien Hany Abu-Assad se déroule entre Israël et les Territoires palestiniens.

Depuis 2005 et le multi-récompensé Paradise Now — lauréat du Golden Globe du Meilleur Film Etranger, nominé aux Oscars pour la même catégorie, Prix du Meilleur Film Européen entre autres —, le réalisateur palestinien, qui vit aujourd’hui aux Pays-Bas, n’était pas revenu en Israël pour tourner.

C’est désormais chose faite.

Présenté à Cannes dans la sélection Un certain regard au côté de Condom Lead, un autre film palestinien en lice pour la Palme d’Or du court-métrage, Omar reprend pour partie les ingrédients qui ont fait le succès de Paradise Now huit ans plus tôt : l’histoire de palestiniens prêts à passer à l’action.

Bien que leurs actes n’apporteront rien à leur quête d’un pays — au contraire —, Omar, Tarek et Amjad, trois jeunes amis d’un village de Judée-Samarie, décident d’abattre un soldat de Tsahal. « Huwwarah » est le nom de leur opération, faisant sans doute référence à la ville éponyme, principale entrée de la ville de Naplouse, dans le nord des Territoires. Après avoir volé une voiture, les trois jeunes gens passent à l’acte.

Malgré le fait que ce ne soit pas lui qui ait appuyé sur la détente, on ressent l’espace d’une seconde certains doutes — des regrets ? —, de la part d’Omar.

Rapidement retrouvés par la police israélienne, Tarek et Amjad parviennent à s’enfuir tandis qu’Omar est touché d’une balle dans la jambe, capturé puis emprisonné. Entre interrogatoires et discussions avec des terroristes du Hamas ou des brigades d’Al-Aqsa, des scènes d’humiliation et de torture — dures, violentes et pas forcément nécessaires —, se succèdent.

Pour retrouver sa liberté et aussi Nadia, la jeune fille qu’il aime et pour laquelle il franchit chaque jour la barrière de sécurité, la police israélienne lui demande de collaborer en leur livrant le responsable de la mort du soldat assassiné.

Drame sentimental et psychologique mettant à l’épreuve la notion de confiance, Omar mêle habilement suspense et réflexion, et interpelle le spectateur dans un incessant jeu du chat et de la souris, entre luminosité des paysages extérieurs et obscurité des cellules de prison.

Si tous les acteurs principaux — Eyad Hourani, Samer Bisharat et Leem Lubany, interprétant respectivement Tarek, Amjad et Nadia — excellent dans ce qui est leur tout premier rôle, une mention spéciale doit être attribuée à Adam Bakri, qui campe un Omar tout simplement brillant.

Dès le lendemain de la remise de son diplôme du New York’s Lee Strasberg Institute, le jeune homme avait envoyé une cassette de démo à Hany Abu-Assad. Sans doute ne se doutait-il pas alors que quelques semaines plus tard, il débuterait le tournage de Omar, dont il serait la tête d’affiche.

Voulant présenter « de façon vraisemblable les territoires occupés tels qu’ils sont aujourd’hui« , l’équipe a passé une semaine de tournage à Naplouse, en Judée-Samarie, six semaines à Nazareth et une semaine à Beit Shéan, en Israël.

Hany Abu-Assad reconnait que si « les tournages en Cisjordanie sont devenus plus faciles depuis que la police palestinienne y est plus présente […], y tourner reste difficile et rime souvent avec des problèmes« . Pour filmer les scènes de franchissement de la barrière de sécurité par exemple, il n’a obtenu l’autorisation de grimper que jusqu’à une certaines hauteur. Les scènes où Omar se trouve au sommet ayant été tournées sur un faux mur, à Nazareth.

Forcément politique — et donc sujet à controverse —, Omar utilise le thème de l’attentat pour mettre en avant une palette de sentiments et d’émotions aussi complexes qu’universelles. L’amitié y côtoie la trahison, l’agression la vengeance, l’amour la haine. Jusque dans son ultime image.

Omar, de Hany Abu-Assad. DVD. 97 minutes.

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