« Personal affairs », le premier long-métrage de la réalisatrice Maha Haj

A Nazareth, Nabilah et Saleh forment un couple usé par la routine de leur quotidien, de leurs faits et gestes habituels.

Saleh tue le temps sur internet, les yeux rivés sur son ordinateur portable, buvant tasse de café sur tasse de café qui le tiennent éveillé jusqu’à pas d’heure. Sa femme elle, semble ailleurs, affairée à son tricot ou totalement absorbée par ses séries télés devant lesquelles elle trouve le sommeil.

Ils ne se parlent plus. Bien qu’ensembles ils sont seuls. Chacun dans sa bulle, cherchant une échappatoire à son ennui.

De l’autre côté de la frontière, à Ramallah, leurs enfants mènent leur propre vie. Leur fille Samar est enceinte. Elle partage une maison avec son mari Georges, garagiste, et sa grand-mère qui n’a plus toute sa tête… Tarek, lui, souhaite prolonger son célibat le plus longtemps possible, non déterminé à officialiser sa relation avec Maïssa, qu’il juge trop traditionnelle et sérieuse à son goût. Quant à Hisham, le fils aîné, il a fait le choix de partir s’installer en Suède, pour une vie plus paisible.

Chacun d’entre-eux évolue dans son univers, menant sa propre existence.

Maha Haj, qui a grandi et habite toujours à Nazareth, où elle travaille en tant que réalisatrice ou chef-décoratrice, réalise ici son premier long métrage, s’inspirant de sa famille, et de son frère aîné, qui possède une cabane en Suède.

Les seconds rôles ont été attribués à des comédiens non-professionnels, donnant une plus grande vraisemblance au film.

Les univers dans lesquels ils évoluent reflètent les personnages. Bien qu’issus de la même famille, ils ont chacun une personnalité très différente. Hicham, le fils le plus posé, vit en Suède, un pays calme et libre. Son frère Tarek et sa sœur Maîssa sont plus dynamiques, voir nerveux, et symbolisent la ville de Ramallah, plus bruyante et tumultueuse.

Maha Haj met l’accent sur la relation dans le couple vieillissant. Depuis le départ de leurs enfants, qui représentaient le ciment de leur couple, Nabilah et Saleh sont envahis par l’ennui, la lassitude, et le manque de communication. Du couple, il ne reste qu’une apparence. Les silences sont pesants.

Et ces sentiments sont d’autant plus forts que les personnages sont cloîtrés dans leur univers par des barrières. La thématique de frontière est omniprésente dans le film : des frontières physiques, politiques, comme les check-points entre Israël et la Judée-Samarie ; des frontières psychologiques, comme celle que le couple établit entre eux, ou comme cette grand-mère qui perd la mémoire et qui, malgré elle, se retrouve prisonnière de sa propre maison.

Certains des personnages franchiront cette limite, d’autres non.

Présenté à Cannes dans la catégorie « Un certain regard », ce film palestinien réalisé par une israélienne a obtenu le prix du Meilleur Film à Haifa en 2016.

Une comédie réaliste d’une famille dissolue, ponctuée d’humour comme pour amoindrir le drame.

Personal Affairs, en salle le 1er mars.

Jean-Yves DEVENDEVILLE pour Cultures-J.com.

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