« Stauffenberg, l’homme qui voulait tuer Hitler » : histoire d’un attentat manqué

Elève studieux, préférant la compagnie des livres à celle des femmes et du bon vin, admirateur d’Otto Dix et d’Emil Nolde, élève du poète Stefan George, Claus von Stauffenberg hésite entre une carrière d’architecte ou de militaire.

Il optera finalement pour la seconde, même s’il reconnaitra plus tard avoir assez mal supporté ses premières années sous l’uniforme.

Adolescent à la chute de l’empire allemand, il incorpore en 1926 le 17ème régiment de cavalerie de Bamberg, une arme aristocratique prestigieuse qui convient à son rang, tout comme son mariage quelques années plus tard avec Nina Freiin von Lerchenfled.

En 1929, suite au Jeudi Noir de Wall Street, le monde est en crise. En l’espace de trois années, l’Allemagne verra son taux de chômage passer de 2,8 millions à 6,1 millions. Quinze ans après la fin de la Première Guerre Mondiale, l’Allemagne suffoque et panse toujours ses plaies. La République de Weimar est montrée du doigt, et les nazis atteignent des sommets dans les sondages. Bien que minoritaires, ils détiennent bientôt les ministères clefs comme l’Intérieur ou la Guerre.

A peine arrivé au pouvoir, Adolf Hitler entreprend de réarmer le pays. Comme des millions d’allemands, les von Stauffenberg, aristocrates et propriétaires terriens, sont séduits par le nouveau guide spirituel qui va relever la nation allemande, bien qu’ils n’adhèrent pas du tout aux lois antisémites, ni au saccage et au boycott des magasins Juifs. Pour preuve, le frère de Claus épousera Milette Schiller, une fille de notables Juifs d’Odessa. Avec cette union, les von Stauffenberg découvriront avec stupéfaction l’étendue des lois de Nuremberg.

Bien que patriote, Claus von Stauffenberg émet très tôt des doutes quant au bienfondé du nazisme, refusant de porter l’uniforme SA et faisant part de son vif mécontentement lorsque la croix gammée deviendra obligatoire sur les casquettes et les vareuses des officiers.

Lorsqu’éclate la Seconde Guerre Mondiale, il est écœuré par le traitement que le Reich réserve aux territoires conquis. Et quand enfin il apprend au printemps 1942 l’extermination des Juifs d’Europe, il se rend compte à quel point son pays sombre dans la folie et la barbarie. Convaincu de mener une guerre injuste, il rejoint secrètement la Résistance et songe à mettre un terme à cette folie destructrice en assassinant Hitler.

Nombreux sont les membres du haut état-major à graviter autour du pouvoir et à émettre de sérieuses réserves à l’égard de la politique de terreur menée par les nazis, qu’il s’agisse entre autres de Johannes Popitz, ministre des finances de Prusse, ou de Fritz-Dietlof von der Schulenburg, vice-directeur de la police de Berlin.

Initialement prévu pour permettre à l’armée de faire face à une éventuelle insurrection, l’Opération Walkyrie est remaniée et divisée en deux étapes : l’assassinat d’Hitler et des principales têtes du pouvoir dans un premier temps, immédiatement suivie d’un coup d’état visant à renverser le régime, à prendre le pouvoir, et tenter de négocier une paix avec les Alliés. Mais le hasard et la malchance joueront en faveur des bourreaux.

Le 13 mars 1943, la première tentative échoue. Hitler, qui devait visiter un quartier général, annule sa venue. Peu de temps après, des explosifs cachés dans des bouteilles de cognac sont chargés dans les soutes de l’avion qui lui permet de voyager entre les différents quartiers généraux de campagne, en Russie. Là encore, le froid dû à l’altitude fera geler les détonateurs, et l’avion n’explosera pas en vol, comme prévu. Un attentat-suicide échouera lui aussi quelques jours plus tard. Un pacte secret semble bel et bien unir Hitler à l’Allemagne.

Devant tant de malchance et, disons-le, d’amateurisme parfois, Claus von Stauffenberg décide d’agir seul. Jugé complexe à mettre en place, le projet d’assassiner Hitler et ses hauts dirigeants au cours du même attentat est cependant abandonné, même si supprimer Himmler reste une priorité pour le bon déroulement des futures opérations.

Le 20 juillet 1944, une valise contenant des explosifs en main, il arrive à Rastenburg, au quartier général d’Hitler, pour assister à une réunion de préparation. Mais là encore, les choses ne se passent pas comme prévues. Von Stauffenberg n’a le temps d’enclencher qu’un seul des deux détonateurs, et si habituellement les réunions se tiennent dans un abri bétonné, ce jour-là elle se déroule dans un baraquement en bois qui réduira considérablement l’impact au moment de l’explosion.

Malgré la violence de la détonation et cinq généraux tués, Hitler ne sera que blessé. Bien qu’il soit persuadé que nul n’aurait pu survivre à une telle déflagration, von Stauffenberg et ses complices tardent à déclencher la seconde partie du Plan Walkyrie. Ils annoncent le décès d’Hitler alors que dans le même temps, à Berlin, Goebbels vient de le mettre en relation téléphonique avec Otto-Ernst Remer. La plus grande confusion va alors régner.

Retraçant minutieusement les différentes étapes qui le feront passer de l’engouement à la déconvenue du parti nazi, écrit grâce à de nombreux témoignages, traces écrites de ses pensées et de ses réflexions, cet ouvrage passionnant revient avec force détails sur Claus von Stauffenberg et un événement qui, s’il avait eu lieu, n’aurait certes pas empêché la destruction de millions de Juifs d’Europe, mais l’aurait sans aucun doute enrayée.

« Le 20 juillet 1944, le coup d’état avait-il encore un sens ? »

C’est la question que pose Jean-Louis Thiériot à la toute fin du livre.

Stauffenberg, de Jean-Louis Thiériot, aux éditions Tempus Perrin. 337 pages. 11,00€.

Si vous désirez aller plus loin :

L’opération Walkyrie Juillet 1944 : la chance du diable, de Ian Kershaw, aux éditions Flammarion. 176 pages. 7,00€.
Refus d’obéissance. 1945, la résistance allemande a Hitler après l’opération Walkyrie, de Randall Hansen, aux éditions Presse Université de Laval. 765 pages. 16,95€.

Partagez vos impressions

Cet article vous intéresse ? Laissez un commentaire.

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.