1987-2017 : Procès Klaus Barbie, rencontre avec le Procureur Jean-Olivier Viout

Le 11 mai 1987 débutait à Lyon le procès de Klaus Barbie : après deux mois d’audience d’un procès d’assises qui a marqué un tournant décisif dans la justice du XXème siècle, l’ancien officier nazi fut reconnu coupable de crime contre l’humanité, chef d’accusation retenu pour la première fois en France.

Klaus Barbie, devenu Klaus Altman, avait trouvé refuge en Amérique du Sud quelques années après la fin de la guerre. Devenu citoyen bolivien, il pensait être définitivement à l’abri mais les époux Klarsfeld en avaient décidé autrement…

L’Histoire retiendra la traque et l’arrestation du criminel.

Le verdict fut rendu dans la nuit du 3 au 4 juillet 1987 : Barbie a été condamné à la réclusion à perpétuité pour l’arrestation, la déportation et l’assassinat de plusieurs centaines de juifs de France, dont les 44 enfants juifs réfugiés à la Maison d’Izieu, des adultes qui les encadraient mais également de nombreux Résistants.

Il est décédé d’un cancer le 25 septembre 1991 à la prison Saint-Joseph de Lyon, cette ville meurtrie par le régime nazi qu’il aura si bien servi…

Trente ans plus tard, Lyon se souvient : depuis le début du mois de mai et tout au long de cette année 2017, de nombreux événements ont été programmés grâce à un travail exceptionnel réunissant de nombreuses institutions et associations afin de témoigner de cette page d’histoire, notamment : l’Etat, la Ville de Lyon, le Département du Rhône, le CRIF Auvergne Rhône-Alpes, le Mémorial d’Izieu, le Mémorial national de la prison de Montluc, les Fils et Filles des déportés juifs de France, le Souvenir Français, le Centre d’Histoire de la résistance et de la Déportation, les Archives départementales, etc…

Parmi les manifestations prévues, notons quelques temps forts :

  • Jeudi 18 mai à 18h30 au Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation – 14 avenue Berthelot – Lyon 7ème (CHRD) : conférence du procureur général au procès Barbie, Pierre Truche et Jacques Védrinne, psychiatre qui a participé à l’examen psychiatrique de Barbie.
  • Lundi 3 juillet à 21h30 : commémoration dans la Cour d’Appel de Lyon des 30 ans : projection de témoignages et intermèdes musicaux. Palais de Justice historique – Quai Romain Rolland – Lyon 2ème.
  • Dimanche 17 septembre à 14 h – Espace Hillel – 113 boulevard Vivier Merle – Lyon 3ème : conférence-débat « Les 30 ans du procès Barbie : un grand procès, et après ? » organisée par le CRIF Auvergne-Rhône-Alpes avec Pascal Bruckner, romancier et essayiste, Ianis Roder, professeur d’histoire et formateur au Mémorial de la Shoah et Annette Wieviorka, historienne.
  • De mai à septembre : des émissions spéciales proposées par le CRIF Auvergne-Rhône-Alpes sur Radio Judaïca Lyon.
  • Mardi 21 novembre à 18h : dans les salons de l’Hôtel de Ville de Lyon : conférence de Luc Ferry, philosophe et ancien Ministre de l’Education Nationale, sur les leçons du procès Barbie.

Après avoir vécu de l’intérieur ce procès hors normes, Jean-Olivier Viout, procureur général honoraire de Lyon, adjoint du procureur Pierre Truche lors du procès en 1987, s’est considérablement impliqué dans l’organisation de son trentième anniversaire. Il a notamment rédigé une publication à destination des collégiens et lycéens des départements de l’académie de Lyon : « Klaus Barbie, un enfant du fanatisme ».

Dans le cadre de ces commémoration, le Procureur Jean-Olivier Viout a accepté de répondre aux questions de Cultures-J :

Cultures-J : Pourquoi avez-vous tenu à commémorer ce 30ème anniversaire ?
Jean-Olivier Viout : L’initiative en revient au CRIF Auvergne-Rhône-Alpes qui, dès 2016, a évoqué l’opportunité de commémorer le 30° anniversaire du procès Barbie. Le CRIF avait déjà pris, en 2007, une part prépondérante dans la commémoration du 20° anniversaire en finançant l’apposition d’une plaque dans l’atrium du palais de justice des 24 colonnes, rappelant que c’est en ce lieu que le 4 juillet 1987, la France a, pour la première fois de son histoire, prononcé une condamnation pour crime contre l’Humanité.

C-J : En quoi ce procès a-t’il marqué une étape exceptionnelle, un tournant ?
J.-O. V. : Pour la première fois en France, une juridiction pénale ordinaire, en l’espèce une cour d’assises composée de neuf citoyens jurés tirés au sort et de trois magistrats professionnels, a donné une réponse judiciaire aux exactions d’un représentant du régime nazi. Les deux précédentes condamnations prononcées contre Klaus Barbie, en 1952 et 1954, l’avaient été par un tribunal militaire.
Ce procès a surtout permis d’offrir, en une unité de temps et de lieu, l’occasion aux victimes de livrer publiquement le récit de leur vécu, jusqu’alors tu ou édulcoré, par maintes d’entre elles.

C-J : Quels événements avez-vous décidé de programmer ? Pour quels publics ?
J.-O. V. : Plusieurs rencontres, conférences et expositions ont été programmées entre le 11 mai et le 21 novembre 2017. Le jour anniversaire de l’ouverture des débats (11 mai 1987) sera marqué par une table ronde à l’hôtel de ville de Lyon à laquelle participeront des acteurs directs du procès. Les trente ans de sa clôture donneront lieu, dans la soirée du 3 juillet 2017, à une remémoration des victimes de Barbie, sur les lieux mêmes où a été prononcé le verdict. De septembre à novembre, deux expositions seront proposées conjointement au Mémorial national de la prison de Montluc et aux archives métropolitaines de Lyon et du Rhône.
C’est en direction tant des élèves des lycées et collèges que du grand public, que ces manifestations ont été conçues.

C-J : Quels partenariats avez-vous noués ?
J.-O. V. : On ne peut parler de partenariat mais de la conjonction d’une volonté de « faire mémoire » réunissant la préfecture du Rhône, la ville de Lyon, d’autres administrations et collectivités publiques,ainsi que diverses associations dont plusieurs, parties civiles au procès Barbie.

C-J : Quelle est la portée pédagogique de ces manifestations ?
J.-O. V. : Rappeler un tel événement judiciaire n’est pas une démarche simplement commémorative mais poursuit un but précis : faire appréhender par la jeune génération la nature et l’actualité des leçons qui doivent être tirées de ce procès ; démontrer, à travers Barbie, comment une propagande sournoise et dévoyée peut transformer un jeune homme ordinaire en un militant fanatique, foulant au pied toute barrière morale pour servir une idéologie démente.

C-J : Tous les intervenants ont-ils accepté spontanément de participer à ce 30ème anniversaire ?
J.-O. V. :
Tous les intervenants ont spontanément ressenti la nécessité de livrer leurs souvenirs, non pas pour se mettre en avant, mais pour apporter modestement leur pierre à cette démarche mémorielle à finalité pédagogique qui seule, justifie la commémoration de cet anniversaire.

Patricia DRAI pour Cultures-J.com.

Si vous désirez aller plus loin :

– Hôtel Terminus. Klaus Barbie, sa vie et son temps, de Marcel Ophüls. Coffret 2DVD. 256 minutes.
– D’Izieu à Auschwitz : L’histoire de deux enfants dans la Shoah, de Pierre-Jérôme Biscarat, aux éditions J’ai Lu. 94 pages. 3,00€.
Izieu, des enfants dans la Shoah, de Pierre-Jérôme Biscarat, aux éditions Fayard. 336 pages. 18€00.
Jean Moulin, de Jean-Pierre Azema, aux éditions Tempus Perrin. 608 pages. 11,00€.
Jean Moulin, l’ultime mystère, de Pierre Péan et Laurent Ducastel, aux éditions Albin Michel. 480 pages. 22,00€.
– Le procès Barbie : Lyon, du 11 mai au 4 juillet 1987, de Robert Missika et Philippe Truffault. Coffret 6DVD. 1.200 minutes.
Klaus Barbie, itinéraire d’un bourreau ordinaire, de Tom Bower, aux éditions Calmann-Levy. 280 pages. 24,00€.

1 commentaire sur 1987-2017 : Procès Klaus Barbie, rencontre avec le Procureur Jean-Olivier Viout

  1. J’ai un papier de 60 lignes racontant les frasques de Barbie lors de son bref passage dans le pays de Gex et d’un témoin de cette époque qui m’a remis des photos commentées….
    Je suis à votre disposition pour vous donner tous ces documents historiques.
    Faites vous une idée sur le sérieux de ma proposition en écrivant mon nom sur Google. Meilleures salutations. Loulou

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