4/5. Ségovie, une autre cité de la tolérance multi-culturelle

Fondée sous l’empire romain et probablement abandonnée lors de l’invasion arabe au 8ème siècle, Ségovie, située à une trentaine de minutes de Madrid et symbolisée par son impressionnant aqueduc romain, devient dès le 12ème siècle une plaque tournante pour le commerce de la laine et du textile.

Place forte pourvue de murailles et d’un imposant alcazar, la cité connaîtra son âge d’or culturel et commercial à la fin du Moyen Âge, période à laquelle Isabelle de Castille y est proclamée reine, en décembre 1474.

Avec une présence juive remontant au début au 11ème siècle, Ségovie deviendra, avec sa voisine Tolède, un « Eden » pour les Juifs d’Espagne. Comptant jadis pas moins de cinq synagogues, deux écoles religieuses et deux boucheries, la Juderia de Ségovie, ceinturée de portes dont deux persistent encore aujourd’hui — la porte San Andrés et le Postigo del Sol, menant à la nécropole juive —, propose elle aussi de très nombreuses traces de présence juive.

Si à Tolède, Séville ou Madrid, les violences anti-juives de la fin du 14ème siècle ont été importantes et violentes, Ségovie sera relativement préservée. Mais en 1412, Juifs et Musulmans de la ville se voient contraints de se regrouper autour de « zones fermées », délimitées par des murs. S’il ne fut pas, dans les faits, réellement appliqué, ce décret marquait cependant le début d’une nouvelle ère.

La Juderia de Ségovie, ou « aljama », était établie dans la partie sud-ouest de la vieille ville, entre la cathédrale et la muraille sud. Mais en raison du durcissement instauré par les Rois Catholiques, accompagné d’une inévitable hausse de la démographie, la Juderia dut être largement agrandie en 1481 pour finalement s’étendre de l’ancien abattoir de la ville jusqu’à la Plaza del Corpus, point de départ de la visite où se trouve l’ancienne synagogue Majeure de la ville.

La synagoga Mayor, jadis centre religieux de la communauté juive et aujourd’hui « église Corpus Christi », propriété des soeurs Clarisses, a sans doute été construite à l’emplacement d’une ancienne mosquée dans la seconde moitié du 14ème siècle, puis transformée en couvent en 1419. Composée de trois nefs séparées par des arcades en forme de fer à cheval supportées par des colonnes aux chapiteaux à motifs végétaux — on retrouve ici encore le style Mudejar de Santa Maria la Blanca —, elle fut quasiment détruite au cours d’un violent incendie en 1899.

Magnifiquement restaurée, elle marque le point d’entrée de la Juderia, plaza del Corpus. Il suffit ensuite de suivre la calle Juderia Vieja, à l’arrière de la Catedral de la Asunción de la Virgen al Cielo y San Frutos pour découvrir l’antique quartier Juif.

Entre la synagogue Corpus Christi et l’ancienne demeure d’Abraham Senior, qui abrite aujourd’hui un couvent franciscain, la calle del Sol mène le visiteur à la Puerta del Sol, l’une des deux portes antiques qui fermaient la Juderia.

Avec la transformation en couvent de la synagogue Majeure de la plaza del Corpus en 1419, les Juifs de Ségovie font de la synagogue de Los Ibanez, calle San Geroteo, le nouveau centre religieux de la ville. Après leur expulsion d’Espagne, le bâtiment devient, à partir de 1507, la résidence de la famille de Bartolomé Ibanez, qui l’occupera jusqu’au 19ème siècle. Au début des années 1980, dans le cadre de travaux de restauration, les soeurs Jésuites y exhumeront un mikvé, preuve de l’importance que cette synagogue devait avoir à l’époque.

Plus loin, un peu avant la plaza de la Merced, où se trouvait la synagogue Vieja, une des deux écoles religieuses ainsi qu’une boucherie, la calle la Juderia Nueva mène vers la Casa del Sol, anciens abattoirs Juifs aujourd’hui reconvertis en Musée de la Ville de Ségovie, et vers la porte Saint Andrés donnant accès, au-delà des murailles, au cimetière juif. Installé en plein coeur de la pinède, cette nécropole originale présente deux sortes de sépultures, l’une utilisant les cavités calcaires existantes dans lesquelles ont été aménagées des tombes, et une seconde dite « anthropomorphe », caractérisée par une tombe évoquant le corps du défunt.

Si vous désirez aller plus loin :

L’Inquisition, de Didier le Fur, aux éditions Livre de Poche. 192 pages. 7,20€.
Histoires de l’Inquisition, de Rémy Bijaoui, aux éditions Glyhes. 230 pages. 15,00€.
Les Juifs du roi d’Espagne. Oran 1509-1669, éditions Hachette. 240 pages. 21,10€.
Passeurs d’Orient : Les Juifs dans l’orientalisme, éditions de l’Eclat. 220 pages. 25,00€.
Les Juifs dans l’Espagne chrétienne avant 1492, éditions Albin Michel. 137 pages. 7,20€.
Juda Halévi, d’Espagne à Jérusalem, éditions Albin Michel. 172 pages. 8,90€.
Les rois catholiques, ou L’Espagne sous Ferdinand et Isabelle (1474-1515), éditions Hachette BNF. 174 pages. 12,80€.
L’élixir de l’immortalité, de Gabi Gleichmann, aux éditions Grasset. 550 pages. 19,85€.

Et pour la jeunesse :

La véritable histoire vraie. Torquemada, de Bernard Swysen et Marco Paulo, aux éditions Dupuis. 64 pages. 12,50€.

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