5/5. Salamanque, l’universitaire aux deux cathédrales

Au début du 12ème siècle, alors que l’empereur Alphonse Ier de León poursuit la Reconquista et reprend Salamanque aux Almoravides, des immigrants issus de diverses communautés — mozarabes, cantabres, castillans et juifs — arrivent dans la cité nouvellement reconquise afin de s’y installer.

Et les premières traces de présence juive confirment cette date, puisque l’on peut attester que les Juifs de la ville contribuent financièrement aux guerres menées par le roi Ferdinand II dans la reconquista des territoires du Sud, Cordoue et Grenade entre autre.

En guise de reconnaissance pour leur soutien financier — il est important de préciser que, jusqu’aux violentes émeutes de 1391, les Juifs resteront les principaux contributeurs financiers des différents monarques —, ils obtiennent les mêmes droits que les chrétiens.

Si elle n’était pas de taille comparable à celles de ses voisines Tolède ou Ségovie, la Juderia de Salamanque — nommée « Aljama » en raison de l’existence de la figure légale du rabbin —, implantée entre l’actuelle cathédrale et l’Alcazar, comptait un midrash, une yeshiva, une boucherie, de nombreux commerces, un cimetière juif, proche de l’Arrabal del Puente, ainsi que trois synagogues, dont il ne reste aujourd’hui plus de traces.

La première d’entre elles, la synagogue Mineure, se situait dans l’actuelle Postigo, aujourd’hui occupée par la Faculté de Mathématiques ; la synagogue Nouvelle se trouvait quant à elle non loin du parc de la Merced ; et enfin la Vieille Synagogue, aux alentours de l’église de San Millán.

Lors d’un synode en 1382, il fut décidé, de manière unilatérale et sans aucune communication préalable de supprimer certains des édifices religieux de la communauté juive de la ville. C’est donc sous les bons auspices de l’évêque dominicain Juan de Castellanos que la Vieille synagogue de Salamanque fut dévolue au culte chrétien.

Comme partout en Espagne, en 1391 Salamanque sera en proie à de violentes émeutes antisémites. Si nombre de communauté du pays vont disparaître à cette époque, celle de Salamanque, à l’instar d’autres grandes cités, va persister pendant un siècle encore, mais dans des conditions de plus en plus difficiles : des familles vont être persécutés, expulsés, et leurs maisons et commerces saisis au profit de l’université, qui récupérera ces terrains pour son expansion.

Un comble lorsque l’on sait que les Juifs de Salamanque, réputés pour leur savoir-faire quant aux métiers du livre et du parchemin, étaient les principaux fournisseurs des différentes facultés de la ville.

Après leur expulsion en 1492, la Aljama de Salamanque, dont le centre névralgique s’articulait autour de la Rua Nueva — actuelle calle Libreros — sera abandonnée et totalement détruite avant que ses terrains ne soient officiellement donnés à l’université par Jean II, le 30 mars 1413.

Les universités de Salamanque — l’université pontificale, université privée de l’église catholique créée en 1134, et l’université publique créée en 1218 par Alphonse IX de León, la plus ancienne d’Espagne et l’une des plus anciennes du monde —, contribueront très largement au prestige et à la renommée internationale de la ville. Visités à de nombreuses reprises par les Rois Catholiques, elles verront passer sur leurs bancs des noms illustres : le conquistador Hernan Cortès, qui s’empara de l’empire Aztèque, Beatriz Galindo, dite « La latina », première femme à être entrée dans le monde universitaire, ou encore l’astronome et mathématicien Abraham Zacuto, qui y fut également enseignant. Ce dernier occupera un rôle essentiel dans les préparatifs de l’expédition de Christophe Colomb, qui saisira par ailleurs l’université pour discuter de ce projet.

En 1492, Abraham Zacuto trouvera refuge au Portugal voisin, où il deviendra astronome royal du souverain Jean II.

Salamanque et la renommée de ses universités atteindront leur apogée le siècle suivant, sous l’impulsion des Rois Catholiques et du cardinal Cisneros, qui feront également construire de nombreuses écoles et séminaires dans la ville.

La ville sera inscrite au Patrimoine Mondial de l’Humanité en 1988.

Si vous désirez aller plus loin :

L’Inquisition, de Didier le Fur, aux éditions Livre de Poche. 192 pages. 7,20€.
Histoires de l’Inquisition, de Rémy Bijaoui, aux éditions Glyhes. 230 pages. 15,00€.
Les Juifs du roi d’Espagne. Oran 1509-1669, éditions Hachette. 240 pages. 21,10€.
Passeurs d’Orient : Les Juifs dans l’orientalisme, éditions de l’Eclat. 220 pages. 25,00€.
Les Juifs dans l’Espagne chrétienne avant 1492, éditions Albin Michel. 137 pages. 7,20€.
Juda Halévi, d’Espagne à Jérusalem, éditions Albin Michel. 172 pages. 8,90€.
Les rois catholiques, ou L’Espagne sous Ferdinand et Isabelle (1474-1515), éditions Hachette BNF. 174 pages. 12,80€.
L’élixir de l’immortalité, de Gabi Gleichmann, aux éditions Grasset. 550 pages. 19,85€.

Et pour la jeunesse :

La véritable histoire vraie. Torquemada, de Bernard Swysen et Marco Paulo, aux éditions Dupuis. 64 pages. 12,50€.

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3 commentaires sur 5/5. Salamanque, l’universitaire aux deux cathédrales

  1. Elas quand je lis tout cela j’ai les larmes aux yeux,mes ancêtres,sont passés de l’autres côté a Sabugal, Belmonte, Guarda, Portugal ils ont effacer leurs religion,mais se sont toujours reconnus.

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