« Apprenti Gigolo » : Woody Allen et Vanessa Paradis dans le milieu orthodoxe

La sortie d’un film avec le nom de Woody Allen en haut de l’affiche est toujours un événement très attendu par le public français. Et bien plus encore lorsque celui-ci donne la réplique à l’une de ses artistes les plus appréciées : Vanessa Paradis !

Pour ce film, John Turturro endosse à la fois les fonctions de scénariste, de réalisateur et de comédien. Il a joué dans plus de soixante longs-métrages sous la direction de Spike Lee (Do the right thing), de Robert Redford (Quizz Show) ou encore des frères Coen (O’Brother, Miller’s Crossing).

A New York, deux amis, l’un libraire, l’autre fleuriste, ont de sérieux problèmes d’argent. Le premier (Woody Allen) devient le « mac » du second (John Turturro). Il va lui dénicher des clientes potentielles dans l’espoir de faire fortune rapidement.

John Turturro est captivé par le thème de la prostitution. « C’est une profession, et comme dans toutes les professions, certains sont meilleurs que d’autres » déclare-t-il. Son personnage, Fioravante, n’a pas l’allure d’un beau gosse, comme dans la plupart des films évoquant la prostitution masculine. Son charme ne résulte pas de son physique, mais plutôt de son aptitude à comprendre les femmes, et à être à leur écoute.

Le docteur Parker (Sharon Stone), dermatologue délaissée par son mari, espère redécouvrir l’amour, le désir. Elle confie donc à l’un de ses clients, Murray, qu’elle est à la recherche d’un homme, et qu’elle serait prête à payer pour une aventure à trois, avec son amie Selima, une femme libre et extravertie… Murray pense aussitôt à son ami ! Fioravante, homme sensible et solitaire, ne conçoit pas une relation sexuelle tarifée, mais Murray, qui lui court après l’argent facile, parvient à le convaincre. Au fil de ces rendez-vous, le docteur Parker va être submergée par une foule de sentiments perdus jusqu’alors, tels que l’attirance, la jalousie, la sensualité. Les clientes vont se succéder les unes après les autres et faire le bonheur de leurs portefeuilles.

Un jour, Murray emmène ses enfants chez Avigal, qui réside à Williamsburg, un quartier de Brooklyn, afin de les « dépoutiser ». Avigal a évolué dans une communauté religieuse où les femmes sont tenues d’appliquer des règles strictes, de cacher leurs cheveux, de porter des jupes longues, et d’être couvertes du cou aux genoux. Mère de six enfants, en vingt ans de mariage elle n’a jamais été embrassée.

« Avigal est pratiquante, mais elle est curieuse. Elle n’est pas censée lire, mais elle le fait. Elle est seule et triste, elle a envie de goûter un peu à la vie, à quelque chose de différent. Quelque chose en elle a besoin de naître à la vie ».

Vanessa Paradis.

Malgré qu’Avigal soit une femme veuve, mère et religieuse, Murray ne recule devant rien, et lui propose une séance de massage. Avigal lui accorde sa confiance et accepte sa proposition. Cette relation se révélera une véritable épreuve pour elle. Pour la première fois, une personne la touche. Fioravante offre à Avigal toute sa bienveillance et sa présence, et pour elle c’est déjà énorme. Mais les allers et venues d’Avigal sont épiés par Dovi (Liev Schreiber), un hassidim timide, membre du Shomrim (« les gardiens » en hébreu, une milice communautaire orthodoxe NDLR). Dovi aime Avigal depuis l’enfance ; il s’accroche à l’espoir qu’un jour elle sera sa femme. Et ses déplacements hors de Williamsburg le préoccupent…

Pour incarner son personnage, Vanessa Paradis a donné beaucoup d’elle-même, en passant du temps avec une jeune hassidim qui a quitté sa communauté : « C’est une jeune femme très forte, très belle ; elle a vingt-cinq ans, mais elle pourrait en avoir cent cinq avec la vie qu’elle a eu. Elle m’a aidée à comprendre les règles. Elle vient d’Israël et a appris l’anglais il y a seulement trois ans, alors je lui ai un peu volé son accent ». A ceci elle ajoute : « J’avais une perruque et de gros collants. La sensation physique de ces vêtements a donné chair à mon identité. »

Le Docteur Parker et Avigal sont deux femmes que tout oppose, cependant toutes les deux ont le besoin de se libérer, d’exister à travers l’autre et d’être considérées.

Vanessa Paradis est tout à fait crédible dans son rôle. Elle n’interprète pas son personnage, mais le vit. Elle est métamorphosée en Avigal. Quant à Woody Allen, fidèle à lui-même, il est une fois de plus un personnage intellectuel névrosé. Mais c’est pour cela qu’on l’aime. Apprenti Gigolo est un des rares films où il se laisse diriger par un autre réalisateur.

Ce film a été présenté au Festival International du film de Toronto en 2013.

A noter dans la bande originale du film la présence d’un titre interprété en italien par Vanessa Paradis, Tu si na cosa grande (chanson de Domenico Modugno datant de 1964), qui figure dans son dernier album Love Songs. Cet album lui a permis, en février dernier, d’être nommée pour la 3ème fois Interprète Féminine de l’année aux Victoires de la Musique.

Apprenti gigolo, de John Turturro. DVD. 86 minutes.

Si vous désirez aller plus loin :

Le Juif de New York, de Ben Katchor, aux éditions Rackham. 60 pages. 23,40€.
Un monde vacillant, de Cynthia Ozick, aux éditions Points. 440 pages. 8,10€.
L’homme au complet blanc: du Caire à New York, l’exil d’une famille juive, de Lucette Lagnado, aux éditions Métropolis. 350 pages. 26,36€.
Le livre et l’épée, de David Weiss Halivni, aux éditions du Rocher. 178 pages. 18,30€.
Yiddish Connection, de Rich Cohen, aux éditions Folio. 475 pages. 9,20€.
Les premiers Juifs d’Amérique (1760-1860) : L’extraordinaire histoire de la famille Hart, de Denis Vaugeois, aux éditions Presse Universitaire de la Sorbonne. 376 pages. 24,00€.
Les Juifs américains, d’André Kaspi, aux éditions Points. 313 pages. 9,10€.
Histoire des Américains Juifs : De la marge à l’influence, de Françoise Ouzan, aux éditions André Versaille. 260 pages. 20,20€.
Les Juifs américains et Israël, d’Annie Ousset-Krief, aux éditions L’Harmattan. 214 pages. 21,00€.

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