Avi Mograbi présente « Dans un jardin je suis entré », au Forum des Images

Sorti en juillet 2013, le dernier film d’Avi Mograbi, Dans un jardin je suis entré, a été projeté ce mardi 8 octobre dans le cadre des documentaires « Doc & Doc », au Forum des Images.

dans un jardin je suis entré avi mograbiComme pour mieux mesure le temps qui a passé, cette soirée s’est ouverte avec la projection de son premier long-métrage, Comment j’ai appris à surmonter ma peur et à aimer Ariel Sharon. Entre ces deux films, vingt années se sont écoulées…

Rencontre.

« Bonsoir à tous ceux qui n’étaient pas là pour la 1ère projection. Je suis désolé, mais je ne pourrais rester avec vous après cette projection pour écouter vos questions ou commentaires, car j’ai un vol à prendre. Aussi je vais vous en parler avant.

Comme le précédent, ce film a démarré avec une idée, et a fini avec une autre. Mais peut-être pas tout à fait de la même manière.

En 2010, j’ai participé à la performance d’un artiste libanais, Akram Zaatari. Elle a eu lieu au laboratoire d’Aubervilliers. C’était une « conversation avec un cinéaste israélien imaginé, Avi Mograbi ». On se connaissait depuis un moment, et depuis le milieu des années 2000, on s’était rapproché. Ce n’était pas une invitation à faire un projet avec lui, mais plutôt une chose à laquelle nous pensions tous les deux depuis longtemps.

Le sujet de cette performance était la possibilité, ou l’impossibilité, de créer une relation entre les habitants des deux frontières. Dans cette performance, nous étions assis à une table avec nos ordinateurs portables, et nous parlions par Skype. Pourquoi Skype ? Et pourquoi un projet de film ? Parce que cette relation entre israéliens et libanais est interdite de par la loi au Liban, et n’est également pas très apprécié en Israël.

L’un des facteurs essentiels de cette performance était le fait qu’une partie de ma famille, de ma famille paternelle, vient du Liban, et de Syrie. Mon grand-père Ibrahim est né à Damas, ma grand-mère et mon père sont nés à Beyrouth, et ils ont émigré en Palestine dans les années 20. Akram m’a demandé d’aller chercher dans les albums des photos de l’époque où ils vivaient à Damas et à Beyrouth.

Le problème était la distance entre Beyrouth et Tel Aviv, une distance extrêmement courte, mais impossible à parcourir.

Jusqu’au milieu des années 40, ma famille allait chaque été visiter les grands-parents de mon père pour deux ou trois mois à Beyrouth, et revenaient ensuite, par la route, en bus, en train, en voiture… Il n’était pas nécessaire de passer par Chypre et de faire des « acrobaties ». En 1947, ce voyage se transforma en aller simple. De Tel Aviv à Beyrouth, et inversement. Le retour était quasi-impossible.

L’état d’Israël a été créé en 1948, et depuis, Israël est en guerre avec les pays arabes, on ne peut pas passer les frontières, même si vous êtes nés à Beyrouth.

Travailler avec toutes ces questions autour de la performance d’Akram a soulevé en moi l’idée de faire un film à propos d’un des cousins de mon père, mort aujourd’hui. J’ai pensé que ça pouvait être intéressant de faire quelques « scènes imaginaires ».

Mon cousin, Marcel Nahon, est né à Alep, en Syrie, et a grandi à Beyrouth. Lorsque l’Etat d’Israël a été créé, il était un jeune homme de 18 ou 20 ans. Sa branche de la famille est restée à Beyrouth, et n’a pas émigré en Israël. Il y avait même une importante communauté juive à Beyrouth jusqu’en 1969. La fondation de l’Etat d’Israël n’a pas signifié la fin de la communauté juive au Liban.

Marcel vivait donc à Beyrouth, et un jour dans les années 50, il est « apparu » à Tel Aviv. Il a rejoint l’armée israélienne, et a passé de nombreux mois en Israël. Il n’a pas aimé, a disparu de l’armée, et est rentré à Beyrouth. Certains d’entre vous sourient mais ce n’était pas quelque chose qui était facile à faire.

De retour à Beyrouth, il s’est marié, a eu deux filles, et est réapparu à Tel Aviv dans les années 60 avant de disparaître à nouveau.

En 1969, après la guerre des Six Jours, la vie des Juifs à Beyrouth est devenue difficile car ils étaient identifié comme des « vainqueurs ». C’est à ce moment-là que Marcel et sa famille ont émigré en Israël.

Vous pouvez penser que Marcel était un peu étrange, peut-être même était-il un espion, mais je ne voulais pas faire un film sur le « vrai » Marcel. J’étais fasciné par quelqu’un qui refusait les règles, les lois. Le monde divise le Moyen Orient en parcelles, mais lui vivait toujours dans un Moyen Orient ouvert.

J’ai donc décidé de faire un film sur cette personne qui a grandi à Beyrouth. J’ai également décidé de faire une partie de ce film en arabe. Mon arabe n’est pas excellent, et j’ai pour cela collaboré avec mon professeur, Arié el-Azari.

L’idée était d’écrire le scénario ensemble, peut-être même de jouer ensemble. Je n’avais pas d’idée fixe la dessus, mais en tout cas, de faire un film à propos de ce personnage inspiré de cousin Marcel.

Et c’est là que le film débute. En fait vous n’allez plus jamais entendre parler de Marcel. On n’est jamais arrivés jusque-là,  mais je suis très content de ce film. Il traite de l’empathie, de l’amour, de l’espoir et de l’énergie pour l’avenir. »

Dans un jardin je suis entré, d’Avi Mograbi, en DVD.

Si vous désirez aller plus loin :

– A conversation with an imagined Israeli filmmaker named Avi Mograbi, d’Akram Zaatari, aux éditions Sternberg.
– Avi Mograbi, coffret 4 DVD. Arte éditions.

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