Bruno Durocher, le poète éternel : hommage au Mémorial de la Shoah…

Le dimanche 12 janvier 2020 s’est tenu au Mémorial de la Shoah un hommage à l’œuvre du grand poète Bruno Durocher, disparu il y a vingt ans.

Parallèlement à sa carrière de poète et d’écrivain, il devient imprimeur et éditeur des Éditions Caractères, dont nous fêtons les soixante-dix ans d’existence.

Cet écrivain-poète éclectique a marqué la poésie française, comme en témoigne son impressionnante bibliographie : sept œuvres en polonais, douze recueils de poèmes en français, cinq romans, trois pièces de théâtre… Il a également fait l’objet d’essais et de films autour de son œuvre.

Lauréat de nombreuses distinctions, il a reçu le prix de l’Académie, le prix du Mont Saint-Michel, la Médaille d’Argent de la Ville de Paris et le prix Europe en 1995, à titre posthume.

Sa vie elle-même est un poème ouvert, marquée par six ans d’internement dans les camps de concentration à l’âge de vingt ans, de 1939 à 1945. Son œuvre littéraire porte la marque de cette tragique expérience.

Nicole Gdalia, son épouse, continue à recueillir des fonds, à rechercher et à retrouver ses textes inédits qu’elle publie aux éditions Caractères. Elle nous confie le parcours de vie exceptionnel de Bruno Durocher.

Il est né en Pologne, à Cracovie, en 1919, d’une mère juive et d’un père appartenant à l’aristocratie autrichienne, père qu’il n’a jamais connu. Sa mère, pour le protéger, lui a inventé des grands-parents polonais de la petite noblesse, lui fait donner le nom de « Kaminski », et le placé chez les pères catholiques. Il découvre le ghetto, qu’il ne connaissait pas, se questionne sans cesse sur le sort et les souffrances du Peuple Juif quand il apprend, à quinze ans, sa véritable origine. Il quitte alors ce pensionnat, va à la rencontre de rabbins, se passionne pour les textes de la sagesse et de la mystique juive, découvre l’œuvre de Yehouda Halevi qu’il traduira plus tard. ..

A l’âge de quinze, il se fait circoncire. Sa vie prend alors un tout autre tournant.

Par la suite il étudie la philosophie à l’Université de Cracovie, et écrit ses premiers recueils de poésie en polonais… On le surnomme alors le « Rimbaud polonais ».

Devenu communiste et fiché comme tel, il est arrêté à Gdansk en 1939, et sera interné pendant six ans dans les camps de Sachsenhaussen et de Mauthansen. Il vivra l’enfer de la concentration avec son lot de souffrances mais survivra, et se demandera toujours comment il a tenu six longues années ans.

« Je sentais toujours la main de la providence sur moi »

Bruno Durocher.

Le 5 mai 1945, le camp est libéré et la Croix Rouge polonaise l’envoie à Paris, où il publiera chemin de couleur, son premier recueil de poésie en français, suivi de nombreux autres. Il découvre alors le Paris des intellectuels et des artistes, fréquente Jean Queneau, Paul Eluard, René Char, René de Obadia, dont il publiera plus tard les poèmes. On lui offre une presse à bras, et le voila devenu « imprimeur des poètes », fondant en 1949 la revue Caractères, qui deviendra les Éditions Caractères.

Une de ses caractéristiques réside dans son désir de lutter contre les formes établies, et de toujours vouloir tordre le cou au maniérisme.

« Il faut donner des mots purs, sans artifice […] Quel est l’intérêt d’une belle phrase si elle ne conduit pas à la lumière ? »

Bruno Durocher.

Notons qu’il a également écrit de très beaux poèmes sur Israël, dignes de chants synagogaux.

Bruno Durocher fut un véritable autodidacte, se nourrissant de Zohar et de kabbale, inspiré par les grands mystiques Juifs et fin connaisseur de la philosophie bouddhiste. Pour la gravité, la profondeur et la sincérité des ses poèmes considérés comme des illuminations, il a été appelé « le poète de l’éternel » par Claude Mauriac.

Quant à la transmission, Bruno Durocher n’était pas de ceux qui vendaient leurs témoignages et leurs expériences des camps. Il n’ a jamais eu le désir d’en parler si on ne le sollicitait pas. Seuls ses livres sont là pour lutter contre les négationnistes et dénoncer la folie des détracteurs.

Sa magnifique autobiographie Les livres de l’homme réunit quatre tomes : A l’image de l’homme, Les bouches de l’homme, Métamorphose de l’homme et Les visages de l’homme.

Saluons ici la persévérance et la passion de Nicole Gdalia, qui continue de diffuser l’œuvre de Bruno Durocher. Elle publie également les grands poètes de notre temps ainsi que des poètes étrangers.

Les éditions Caractères, lieu de rencontres d’écrivains et d’artistes, organisent des soirées poésie, et accueillent des expositions d’art. Un lieu unique à (re)découvrir, en plein quartier de la Contrescarpe, au 7 rue de l’Arbalète dans le 5ème arrondissement de Paris.

Si vous désirez aller plus loin :

Les livres de l’homme. Oeuvre complète (tome 1), de Bruno Durocher, aux éditions Caractères. 1.020 pages. 39,00€.
Et l’homme blanc écrivait son histoire… Témoignage, de Bruno Durocher, aux éditions Caractères. 166 pages. 26,00€.

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