« Chawa, pièce de ma mémoire », sur les planches des Déchargeurs

Seule sur scène, avec quelques accessoires et des jeux de lumière, la comédienne Maud Landau nous livre des pans de son histoire où il est question de transmission des aïeux, de mémoire oubliée ou revendiquée, de quête d’origine et d’identité, de transgénérationnel…

Chawa, pièce de ma mémoire est surtout construit sur le principe de l’absence. Un beau moment de théâtre, nécessaire.

Animée par des questionnements sur ses origines ethniques, culturelles, historiques et en l’absence de mots, Camille se cherche au sein de sa famille, au milieu d’une sœur branchée, d’une mère évaporée, d’un oncle volubile, d’une cousine religieuse et d’un père distrait.

Une belle galerie de portraits que Maud interprète tour à tour entre rires et larmes, à l’enterrement de sa grand-mère adorée si présente dans son absence.

Comme tant de petits-enfants de grands-parents qui ont connu la Shoah et qui vivent – ou parfois ne vivent pas – avec les fantômes du passé, ils sont héritiers sans le savoir d’une histoire si douloureuse qu’elle peut être occultée.

Il y eut souvent des ruptures dans la chaîne de transmission et des traumatismes cristallisés pour les deuxièmes, voire les troisièmes générations, qui ressurgissent à leur insu comme des prolongations et des échos de la Shoah.

Cette pièce intimiste qui rejoint l’universel dévoile aussi les failles au sein de la famille, les divergences d’opinion dans lequel l’humour et le rire ne sont pas exclus.

Le point de départ est une lettre écrite par la grand-mère, véritable pilier de la famille, témoin vigilant toujours présent dans le cœur. La voix de cette grand-mère résonne en elle, la traverse sans cesse jusqu’au désir d’en savoir plus. Maud / Camille entreprendra, seule, un voyage en Pologne, sur les traces de ses arrières grands-parents, aidée par un organisme d’archives polonaises qui tentera de restituer cette histoire brisée mais Ô combien nécessaire.

Photos, lettres, lieux, accessoires seront des signes qui la feront avancer sur son propre chemin, et la rendront plus sereine et plus forte.

Maud Landau a suffisamment de talent, d’inventivité, de distanciation nécessaire pour partager cette histoire intime, et elle se donne aussi la légitimité de le faire par le moyen de la scène théâtrale. Elle y interprète seule tous les personnages en y introduisant une voix, une posture, un accent, un geste qui représentent tout son petit monde, avec également un travail d’improvisation l’autorisant à s’abandonner à sa fragilité et à ses émotions diverses.

Pour cela, elle se métamorphose en sa grand-mère – qu’elle rend alors immortelle -, et mêlera souvenirs personnels, archives et références familiales au travail de recherche et de création. 

Maud landau a créé la compagnie Libellule en 2016 et a bénéficié de plusieurs soutiens et partenaires, dont le Mémorial  de la Shoah. Elle est accompagnée ici par Quentin Laugier pour la dramaturgie, et Laura Lutard pour la mise scène.

A voir absolument !

 Chawa, pièce de ma mémoire, actuellement au théâtre des Déchargeurs.

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