« Chronique d’une France blessée », le monde vu par Anne Sinclair

Journaliste à la télévision – nul n’a oublié l’emblématique émission 7 sur 7 de TF1 qu’elle a présentée durant 13 ans -, mais aussi à la radio, Anne Sinclair a fondé le Huffington Post France.

Après avoir publié plusieurs ouvrages, dont le récit autobiographique 21 rue la Boétie, la journaliste, reconnue et appréciée, prouve avec cette Chronique qu’elle n’a jamais cessé de se passionner pour l’actualité…

Durant 18 mois, Anne Sinclair a tenu un journal de bord de l’actualité – essentiellement politique – de notre pays mais aussi du monde : de juillet 2015 à janvier 2017, elle a noté, au jour le jour, ses impressions, ses sentiments, ses doutes mais aussi ses colères. Elle avoue que cet exercice littéraire s’est révélé très plaisant.

Ne lui parlez pas de l’objectivité du journaliste ! Pour elle, un journaliste se doit d’être honnête. Objectif, cela ne signifie rien !

De la crise grecque au Brexit, de l’arrivée de Donald Trump à la tête des Etats-Unis aux attentats perpétrés en France et dans le monde, d’Alep à la crise des migrants et bien entendu, la campagne pour l’élection présidentielle de 2017 en France, la journaliste aborde tous ces sujets dans cette chronique riche et passionnante.

« On écrit un journal quand on a l’impression que ce qui se passe dans le monde est plus important que ce qui se passe dans sa vie » a-t-elle indiqué lors de la parution de son ouvrage.

A peine l’ex-épouse de Dominique Strauss-Kahn fait-elle allusion à l’épisode fâcheux qui a défrayé la chronique et bouleversé sa vie personnelle et familiale en mai 2011.

De fait, elle a exercé sa liberté de pouvoir dire ce qu’elle ressentait au moment où les événements se produisaient avec une interrogation qui sous-tend le livre : ces soubresauts sont-ils conjoncturels ou des fractures plus profondes, plus anciennes ?

La crise grecque de l’été 2015 a été le point de départ pour la journaliste : l’Europe semblait basculer et c’était bien avant les attentats, l’élection de Donald Trump qui a, selon elle, cristallisé le ressentiment des Américains, avant la montée des populismes un peu partout dans le monde et bien entendu avant notre campagne présidentielle à nulle autre pareille !

Pour cette chronique, Anne Sinclair a rencontré tous les candidats à la présidentielle sauf François Fillon, qui a décliné la proposition d’entretien.

Retenons, à ce moment de l’histoire, qu’elle juge le discours de Marine Le Pen « habile et dangereux » et trouve Emmanuel Macron « étonnamment pressé, avec une vision mystique de la politique ».

Cette campagne aura marqué pour elle, et pour de nombreux observateurs, un véritable tournant dans l’histoire politique de notre pays.

Anne Sinclair y évoque aussi des personnalités qui ont marqué notre temps : Elie Wiesel, décédé en juillet 2016 : « J’ai beaucoup aimé Wiesel et ses airs de prophète inspiré, la mèche dans l’œil et la voix pleine de fantômes » révèle-t-elle, ou encore Shimon Peres, mort à 93 ans, « reconnu en Israël comme un Grand…lié à Israël dans ce qu’il eut de meilleur : le dernier de la génération des kibboutzim, des pionniers, de Ben Gourion, des pères fondateurs ».

Elle conclut cet hommage par un « Shalom Shimon ! » en écho au fameux salut de Bill Clinton lors du décès Yitzhak Rabin : « Shalom haver ! »

Tenir une chronique au jour le jour, comme elle l’a fait durant presque deux années, c’est en quelque sorte, conjurer le temps qui passe, le saisir et le retenir, laisser sa trace…

Elle voit « l’Histoire se faire et se défaire » et s’interroge : « Serait-on en train d’assister à la fin d’un monde connu ? »

Si elle avoue s’être trompée sur les récents événements qui ont bouleversé notre monde, être inquiète face aux remous de nos société, elle demeure résolument « une optimiste inquiète » et refuse de sombrer dans le déclinisme.

Après avoir refusé le Ministère de la Culture proposé par François Hollande, elle ne cessera pas d’observer ce monde et d’analyser l’actualité quotidienne… Pour le plus grand bonheur de ses lecteurs, même si elle évoque aussi nos blessures.

Patricia DRAI pour Cultures J. com.

Chronique d’une France blessée, d’Anne Sinclair, aux éditions Grasset. 592 pages. 22,00€.

Si vous voulez aller plus loin :

21 rue de La Boétie, d’Anne Sinclair, aux éditions Livre de Poche. 252 pages. 7,10€.
21, rue la Boétie, Picasso, Matisse, Braque, Léger…, le catalogue de l’exposition, aux éditions Hazan. 280 pages. 30,00€.

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