« D.ieu, Brando et moi » : une histoire de l’humanité vue par Daniel Milgram

D.ieu, Brando et moi, créée à Avignon en 2017, reprise avec succès au théâtre de Nesle à Paris en 2018, se rejoue actuellement et jusqu’au 29 mars au Studio Hébertot, un an après le décès du comédien Daniel Milgram qui fut à l’initiative de cette idée à portée autobiographique.

Cette forme théâtrale originale et singulière est produite par la Compagnie  Sur les quais, qui propose de lutter contre l’ignorance sous toutes ses formes par la création de pièces basées sur des souvenirs personnels, et des valeurs d’humanisme, de partage et de transmission.

Pari réussi avec ce spectacle dans lequel le spectateur s’identifie à cette histoire unique mais qui rejoint l’universel. Il était une fois Daniel Milgram, comédien de théâtre, de cinéma et de télévision pendant quarante ans, qui a écrit un texte autobiographique « racontant l’histoire de l’humanité », repris par l’auteur Gilles Tourman. Et le résultat est surprenant, touchant, inventif, drôle et questionnant…

Nous assistons au tourbillon du parcours affectif et professionnel de ce comédien grand poseur de questions devant l’Éternel. Justement, l’Éternel devient un de ses interlocuteur privilégié dans ce récit car, comme tout bon juif qui se respecte, Daniel Milgram pose d’éternelles questionnements et n’obtient… que d’autres questions.

Teinté de règlements de comptes, il rend un grand hommage à son père à la veille de son décès, et exprime avec un humour teinté de désespérance de son statut de fils juif, sous la soumission de sa mère juive. « Un père juif est une mère normale » dira-t-il en substance.

Tout au commencement était Chambon-sur-Lignon, dans le Loiret, où il a été élevé et caché pendant la guerre avec son frère Claude. Il y décrit avec émotion le couple de Justes qui les a sauvé, le Pasteur Trocme et sa femme  Magda, exprimant toute sa reconnaissance à la communauté protestante du Loiret.

Puis sa vie consacrée aux arts de la scène suit un parcours cahotique entre deux parents aimants mais très antagonistes : un père initiateur de tous les  arts – littérature, théâtre, musique… – qui retrouva sa fièvre religieuse sur le tard, et une mère juive « tout court », avec son cortège d’injonctions, de surprotection, de possessivité, de conflits avec les belles filles…

Les femmes sont elle aussi sources de questionnements incessants, ainsi que ses choix de vie, ses aspirations parfois ratées, le tout parsemé de  référence à l’humour juif salvateur qui fait référence au monde ashkénaze, avec son cortège d’éléments de la tradition juive, du Talmud aux vitz. Ici, le rire et la dérision transformés en immense hymne à la vie servent à ravir une souffrance sublimée.

Et il  y a surtout son immense admiration pour le comédien Marlon Brando, ce monstre sacré qu’il aurait souhaité voir jouer le Moïse de Cecil  B . de Mille !!! Il en a fait son idole auréolé de prestige auquel il aurait voulu s’identifier, à sa gloire comme à ses échecs…

Cette somme bouillonnante de vie ne pouvait être interprétée que par un comédien inspiré qui apporte au texte une habilité, une sincérité avec une once d’insolence et de gravité à la fois : Patrick Simon, qui signe également la mise en scène avec la complicité de Maurice Zaoui.

Le spectacle est ponctué de musiques signées Ilan Zaoui, du groupe Adama, apportant une note de jubilation réjouissante.

A voir absolument !

D.ieu, Brando et moi, au Studio Hébertot.

Partagez vos impressions

Cet article vous intéresse ? Laissez un commentaire.

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.