De Séraphine au Douanier Rousseau, les « naïfs » investissent le Musée Maillol…

Depuis quelques années, le Musée Maillol nous a habitué à des expositions de grande qualité, aussi riches et passionnantes que variées : 21, rue la Boétie, Foujita, Emil Bührle pour n’en citer que quelques unes…. Et une fois n’est pas coutume, les cimaises du musée du 7ème arrondissement se parent de formes et de couleurs offrant aux visiteurs un véritable feu d’artifice intitulée Du Douanier Rousseau à Séraphine. Les grands maîtres naïfs. 

« Naïfs », « peinture enfantine dénuée de perspective », « peintres du dimanche » avez-vous dit ? Pas tant que ça en vérité, car ces artistes, moqués et décriés à l’époque, sont aujourd’hui étudiés, exposés, et sont même pour certains réalisateurs de cinéma une véritable source d’inspiration…

Si le Douanier Rousseau ou Séraphine figurent en effet parmi les plus fameux représentants de ce courant que l’on a eu du mal à nommer, allant de « primitifs modernes » à « maîtres populaires de la réalité », une multitude d’autres artistes sont à découvrir dans le cadre de cette exposition.

Découverts et mis en lumière à la fin des années 20 par Wilhelm Uhde, le collectionneur et marchand d’art allemand va leur consacrer deux expositions, réunissant ainsi dans un même espace des artistes qui s’ignoraient.

Alors que nombre d’entre-eux avaient jusque-là pour habitude d’exposer à la « foire aux croûtes » de Montmartre, Les peintres du Coeur-Sacré, à la Galerie des Quatre Chemins en 1928 puis Les primitifs modernes deux ans plus tard à la Galerie Bernheim, vont attirer un grand nombre de visiteurs, parmi lesquels Max Jacob ou Picasso, et permettre à ces peintres d’un nouveau genre de se faire connaître. Une notoriété qui ne va d’ailleurs pas tarder à croître, et leur offrir une place de choix à l’Exposition Universelle de 1937, à Paris.

Originaires de différentes régions de France, Louis Vivin, René Rimbert, André Bauchant, Camille Bombois, Ferdinand Desnos, Jean Ève, Dominique Peyronnet, ou encore Séraphine et Henri Rousseau ont tous gagné Paris pour une simple et bonne raison : y trouver un travail. Il est donc normal qu’en étant douanier, agent des postes, dessinateur, domestique, manutentionnaire ou pépiniériste, ils soient arrivés à la peinture, qui n’était alors qu’un loisir, plutôt tardivement. Cela explique également leurs choix artistiques quant à certains des sujets choisis : cheminée d’usine, passerelles, vues du quotidien… Autant d’éléments qui témoignent de l’évolution du paysage et de l’industrialisation galopante en France à cette époque. Ils restituent simplement le monde qui les entoure.

Si l’Exposition Universelle de 1937 leur a permis de se faire connaître, il faudra cependant attendre près de quatre décennies pour qu’une nouvelle exposition leur rende hommage. Et ce sera Dina Vierny, modèle de Maillol et fondatrice du Musée Maillol qui, en 1974 dans sa galerie de la rue Jacob, les fera à nouveau sortir de l’oubli avec Le monde merveilleux des naïfs. Fille d’une famille juive originaire de Bessarabie, région aujourd’hui située entre la Moldavie et l’Ukraine, Dina Vierny va découvrir les artistes naïfs – et surtout André Bauchant – en visitant la galerie de Jeanne Bucher.

Huit thématiques brossent les divers sujets et sources d’inspiration de ces artistes, de l’hommage à Dina Vierny en passant par les natures mortes – sujet très prisé car il ne nécessite ni modèle ni matériel de plein-air pour ces artistes souvent désargentés -, la mer – un thème qui se développe considérablement, en partie grâce à l’essor des loisirs balnéaires -, des nus, assez rares mais dont Bombois fera l’une de ses spécialités, les vues sur la ville, les « bêtes sauvages » avec bien entendu le Douanier Rousseau qui prétend à l’époque avoir participé à des campagne en outre-mer alors qu’il trouve en réalité ses sujets au Jardin des Plantes, qu’il fréquente assidûment, sans bien sûr oublier Séraphine, à qui une magnifique salle – ironiquement intitulée « Le jardin de la Vierge », en référence à l’appel à la peinture qu’aurait eu la femme de ménage de la part de la Vierge Marie – est consacrée en fin de parcours… Séraphine qui sera la domestique de Wilhelm Uhde, et finira à l’asile de Clermont-de-l’Oise, où elle s’éteint en 1942.

Un très beau voyage artistique au coeur d’un courant trop méconnu et qui, par sa simplicité et son insouciance, apporte une véritable bouffée de fraicheur  Le temps d’une heure ou deux, échappez-vous et devenez… « naïf ».

Du Douanier Rousseau à Séraphine. Les grands maîtres naïfs, jusqu’au 19 janvier au Musée Maillol.

Si vous désirez aller plus loin :

Histoire de ma vie racontée à Alain Jaubert, de Dina Vierny, aux éditions Gallimard. 256 pages. 22,90€.
Le Douanier Rousseau, Séraphine et les autres. Les grands maîtres naïfs, aux éditions Beaux Arts. 9,50€.
Du Douanier Rousseau à Séraphine. Les grands maîtres naïfs, le catalogue de l’exposition, aux éditions Gallimard. 216 pages. 35,00€.
Le Douanier Rousseau, un naïf dans la jungle, de Gilles Plazy, aux éditions Découvertes Gallimard. 144 pages. 16,00€.
La vie rêvée de Séraphine de Senlis, de Françoise Cloarec, aux éditions Phébus. 174 pages. 8,70€.
Séraphine , de la peinture à la folie, de Alain Vircondelet, aux éditions Albin Michel. 224 pages. 17,00€.
Séraphine (César 2009 du Meilleur Film), de Martin Provost, avec Yolande Moreau. DVD. 121 minutes.

Et pour la jeunesse :

Amuse-toi avec le Douanier Rousseau, de Sandrine Andrews, aux éditions Palette. 32 pages. 11,00€.
Charlotte et le Douanier Rousseau, de Thibaud Guyon, aux éditions Ecole des Loisirs. 45 pages. 12,70€.

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