« Face au soleil. Un astre dans les arts », au musée Marmottan-Monet

Comme à l’accoutumée, le musée Marmottan propose une exposition thématique tout aussi pertinente que passionnante : une Histoire de l’astre solaire à travers ses représentations picturales, de l’Antiquité à nos jours.

Si notre soleil, notre bon vieil astre solaire, nous semble aller de soi, il faut réaliser que les visions et les symboles ont largement différé selon les époques et les connaissances scientifiques. On est passé d’un Dieu soleil à un Christ soleil, puis à un Roi soleil, avant d’arriver à une Science soleil qui devait ensuite déboucher sur un soleil enfin réhabilité dans sa « vérité objective » d’étoile et, depuis les théories les plus récentes, dans son statut d’étoile parmi les étoiles.

D’un soleil unique et vénéré à un soleil parmi d’autres soleils. Certes le panorama est rapidement parcouru, mais il donne une idée des courants, influences et théories qui modifièrent l’image de l’astre.

Tout commence par l’Antiquité, celles des Égyptiens et de cet Enfant incarnant l’image du soleil renaissant, puis de la Grèce avec Helios sur un quadrige. Le soleil est symbole de vie et d’abondance, il enrichit le sol et favorise la germination, donc on le déifie et on lui adresse des prières.

Une autre religion, passée très vite du statut de secte méprisée à celle de dogme dominant l’Occident, métamorphose l’image du soleil : sur cette Crucifixion anonyme en ivoire, datant de l’an 1000, un Christ mourant mais triomphant désigne comme ses instruments de pouvoir autant le soleil que la lune.

Enfin, Copernic vint : grâce à lui, on apprend que l’univers ne tourne pas autour de la Terre, mais autour du soleil justement. Le monde dorénavant ne sera plus « géocentré » mais « héliocentré ». Et même si un certain Louis XIV revendique, à son tour, une origine solaire, il n’omettra pas pour autant de favoriser les recherches scientifiques afin d’aider à comprendre cet astre qui nous fait vivre et nous offre sa lumière.

Certes, dans l’art, le Soleil conserve sa mystique. Chez Claude Gelée, dit Le lorrain, le soleil témoigne de la présence divine présidant au départ du personnage de Saint-Paul à Ostie. Certes aussi, plus tard, à l’aurore du Romantisme, chez Gaspard David Friedrich, Matin de Pâques, le soleil est encore la traduction de l’élan mystique partout présent sur terre, et qui guide les voyageuses minuscules, figurées de dos. Certes encore, chez les paysagistes du XVIIIème et du XIXème, l’astre est toujours cette figure quasi-sacrée qui domine l’univers.

Il faudra, là aussi, une Révolution, celle que symbolise Claude Monet et son Impression soleil levant. « Impression », tout est là. Et le terme, même s’il fut galvaudé par un critique de l’époque qui s’en servit ironiquement pour désigner cette nouvelle façon de peindre, est primordial : on a quitté le domaine de l’affirmation péremptoire, on n’est plus soumis au dogme autoritaire, on a oublié les principes du réalisme désuet, on est entré, désormais, dans le domaine de l’impression.

La réalité devra se fier à ce que nous disent nos sens. Et cette révolution, elle est due tout autant au talent des artistes qu’à la création industrielle de la peinture en tube, qui permet, désormais de quitter l’atelier, qu’aux études rigoureuses d’Eugène Chevreul.

Le soleil n’est plus un détail passager des œuvres, il n’est plus un instrument traduisant une divinité quelconque, il existe, en lui-même, et il peut envahir la toile. Ainsi chez Edvard Munch où le soleil est, en soi, le sujet de la toile, débordant même le cadre du tableau, et cherchant à procurer au spectateur le sentiment suprême de ce que nul œil humain ne peut saisir sans dégâts irréversibles : l’éblouissement.

Entre 1910 et sa mort en 1925, Félix Vallotton représente une quarantaine de soleils couchants. Même obsession chez Albert Trachsel ou Valdemar Schonheyder Moller : le soleil, un sujet en soi. Et les artistes prennent en compte les découvertes scientifiques les plus récentes, s’en emparent et les traduisent, systématiquement.

Ce n’est pas l’un des moindres mérites de cette nouvelle exposition du musée Marmottan que celui d’insister sur la parenté évidente entre l’art et la science. Il n’y a pas de frontières entre les activités humaines : l’art traduit la science, laquelle science, à son tour, se nourrit de l’art.

Face au soleil : bien loin du sectarisme risible des manuels scolaires et des prétentions rationalistes des occidentaux, on n’a pas toujours frissonné de la même façon devant un coucher de soleil. Tout dépend du degré de connaissances dans le domaine, et c’est un peu ce que nous dit l’une des ultimes toiles, Impression soleil levant, de Gérard Fromanger.

Même Monet, cent cinquante ans plus tard, ne peindrait pas le même soleil levant. C’est qu’il n’aurait pas la même impression.

Face au soleil. Un astre dans les arts, jusqu’au 29 janvier 2023 au musée Marmottan.

Si vous désirez aller plus loin :

Face au soleil. Un astre dans les arts, ouvrage collectif aux éditions Hazan. 240 pages. 35.00€.

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