« Je veux peindre et aimer », le nouveau roman d’Evelyne Dress

Rebecca Meyssonnier est fille d’un notaire prospère, Gustave Meyssonnier, dont la charge notariale allait disparaître puisqu’une fille ne pouvait, de par la loi, en hériter.

Et elle est fille également de Dora Weiss, riche héritière d’une famille de commerçants en soierie qui voulut être avocate, ce qui s’avéra impossible pour une femme, surtout juive.

Et, dès le départ, par histoire familiale, elle subit ce double affront fait à la féminité et à la judaïté. Son prénom, Rebecca, lui a été donné par sa mère. C’était déjà le prénom de sa propre grand-mère. « C’est pour ça que Rebecca s’écrit sans accent, c’est la traduction de Rivka. »

Dans son souvenir, elle n’a jamais vraiment été aimée par ses parents ; elle n’en a pas eu le sentiment et, très tôt, elle a été menée à développer un fort esprit de résilience pour, tout simplement, survivre.

Tel est le type de destin que nous conte le dernier roman d’Evelyne Dress : une personnalité sensible confrontée aux tourments de l’Histoire et de nos histoires individuelles, ballottée par les flots des hasards et des nécessités.

Rebecca est tout à la fois peintre et amoureuse. Elle a promis d’épouser Georges, lequel va, comme des millions d’autres jeunes gens, être broyé par la grande Guerre, celle de 14-18.

Le 27 septembre 1917, elle apprend son décès. Il ne lui reste que des regrets, et la peinture. Pour pouvoir survivre, elle donne des cours. « Rebecca Meyssonnier, professeur émérite de dessin dans un lycée de jeunes filles à Nîmes et peintre à ses heures perdues » se présente-t-elle.

Elle a tout juste vingt ans en 1920 lorsqu’elle rencontre Maxime, et elle sort à peine d’une longue nuit de chagrin qui lui a presque fait oublier la date de son propre anniversaire. Ce nouvel amour la submerge. La jeune femme qui a perdu ses parents dans un accident de voiture et son premier fiancé à la guerre a besoin de se reconstruire, et elle se lance dans cette nouvelle folie amoureuse avec intensité.

Rebecca fait une autre rencontre essentielle, celle de Jean Debourg, galeriste. C’est lui qui va  faire progresser la carrière de la jeune artiste. C’est lui qui va émanciper son geste créatif des contingences matérielles, et emmener Rebecca jusqu’aux Etats-Unis.

Dans la peinture aussi, Rebecca se lance avec intensité. Elle veut traduire en images et en couleurs l’essentiel de la vie, la souffrance du toro durant la corrida, l’énergie vitale du petit Charles, trois ans, atteint de trisomie mais transfiguré par son désir de vie, ou bien la rareté essentielle des roses noires d’Halfeti.

Le grand Khalil Gibran lui-même, auteur du Prophète et peintre à ses heures, croisé au hasard d’un voisinage artistique, la peindra nue et lui transmettra ce principe essentiel :

« La vie ignore le hasard, Rebecca. Dans l’univers il y a d’innombrables fils qui composent sa toile. Votre vie et la mienne ne sont que deux fils dans cette toile éternelle. Imaginez combien de pas nous avons franchis avant de nous rencontrer. Et chaque pas était la conséquence du pas d’avant et la cause du pas d’après. »

Tel est ce beau roman sur la peinture et sur l’amour, composé par une connaisseuse des techniques picturales — peintre elle-même — et du cœur humain.

Evelyne Dress nous entretient de la possible cohérence entre la pratique artistique et l’attachement aux valeurs matérielles de la vie : faut-il peindre ou aimer ? doit-on renoncer à vivre lorsqu’on a choisi d’être artiste ?

Les deux sont essentiels à la jeune Rebecca Meyssonnier : « J’ai le sentiment d’être venu sur Terre pour peindre et pour aimer. Je ne sais rien faire d’autre. »

Je veux peindre et aimer, d’Evelyne Dress, aux éditions Glyphe. 240 pages. 18,00€.

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