« La femme de ménage », le nouveau roman de Freida McFadden

Elle a été affublée à la naissance d’un nom impossible et imprononçable, Wilhemina Calloway, qu’on ne peut guère que raccourcir en « Millie », comme si d’emblée, sa personnalité tout entière se rétrécissait dans un surnom ridicule.

Ajoutez à cela qu’elle sort de prison, qu’elle est en conditionnelle, qu’elle vient de perdre le seul emploi péniblement décroché, de perdre également son logement et qu’elle dort à présent dans sa voiture. Autant dire que Millie, la narratrice de ce roman — du moins de la première partie de ce roman — est une épave humaine en bout de course, abandonnée par tous et qui survit faute de mieux.

Une nouvelle chance, du moins est-ce ainsi qu’elle le perçoit, lui est offerte grâce à Nina et Andrew, lesquels viennent tout juste de déposer une petite annonce et qui recrutent une femme de ménage, « bonne à tout faire », gouvernante, et baby-sitter également de leur petite Cécelia.

Mais sans doute n’est-ce pas tout à fait un hasard si le couple de bourgeois chics se nomme Winchester, du nom de cette arme devenue aux États-Unis synonyme de l’un des plus grands génocides, celui des amérindiens. Les noms sont parlants.

Dans un premier temps, Millie a le sentiment de vivre un vrai conte de fées dans la version société libéral : elle redécouvre le privilège de dormir dans un vrai lit, celui de pouvoir faire des courses au  supermarché, celui de se nourrir à sa faim sans avoir à compter, de ne pas s’inquiéter de l’avenir, avant que, de nouveau, sa vie ne bascule dans l’horreur.

La petite fille du couple Winchester est un peu comme une sorte de métaphore du roman dans son entier : elle porte le tendre prénom évoquant une chanson de Simon et Garfunkel alors qu’elle se révèle vite capricieuse et insupportable, véritable démon à petites couettes blondes. 

Tout, dans ce délicieux roman paralysant comme un poison, bascule ainsi, perpétuellement, de l’enfance à l’angoisse, de la douceur à la peur, de l’espoir à la menace. On y trouve tour à tour le rapport à la folie, à l’amour, au désir physique, le regard porté sur l’autre, et celui porté sur soi. Et comme une très étrange déambulation entre la logique de l’une et la déraison de l’autre.

Au fur et à mesure de pages envoutantes, on plonge dans quelques-unes de nos terreurs enfantines les plus enfouies : la chambre-placard angoissante au dernier étage de la maison, qui se ferme de l’extérieur pour ôter tout espoir au malheureux qui s’y trouve enfermé ; la peur de la mort, de la faim, de la soif, de la solitude, de l’enfermement ; l’angoisse de n’avoir plus de solution hormis celle ultime qui n’en est pas une.

Et cette série de cercles de l’enfer niche la terreur au sein même du quotidien, l’angoisse dans le living-room, la panique dans le placard à balai.

Tout est simple, trop simple pour ne pas nous paralyser. La femme de ménage possède quelque chose de nos grands rêves d’enfance malmenés par les terreurs les plus intimes et, en même temps, il est également question des angoisses contemporaines, celles de la précarité, du chômage, de l’absence d’insertion sociale, du prix des denrées de première nécessité, de la fragilité des pauvres et des indigents.

La femme de ménage de Freida Mac Fadden, c’est Barbe bleue racontée par Stephen King avec la complicité amicales de John Steinbeck.

Et la romancière se paye, au surplus, le luxe élégant d’un renversement de perspective à mi-chemin, comme on retournerait une veste sur elle-même et que, miraculeusement, elle semblerait toujours seyante et ajustée sur le corps.

Un roman facile à lire mais qui peuple longuement nos cauchemars.

La femme de ménage, de Freida McFadden, aux éditions City. 304 pages. 19,95.

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