« La petite bibliothèque de l’espoir » : en plein Blitz, dans les tréfonds du métro londonien

Ce roman est une déclaration d’amour à la lecture. C’est un conte de fées pour grands enfants, ou pour adultes qui n’ont jamais oublié qu’ils furent enfants. On s’attendrait, pour un peu, à y voir surgir le Petit Prince ou Peter Pan.

Et ce roman est également une sorte de démonstration, sans pathos ni théorie, qui comporte deux thèses implicites.

Selon l’une d’elles, les femmes seraient dépositaires du grand secret de la lecture, ce qui, pour autant, ne l’interdit pas aux hommes, à l’impérative condition que ceux-ci s’essuient les idées avant d’entrer.

Selon la seconde, l’acte même de la lecture est en soi sacré. Et ce, quel que soit l’objet de la lecture, futile ou trivial, facile ou vulgarisé. La visée de la lecture ne peut en aucun cas se révéler uniquement éducative, et en tout cas jamais élitiste : peu importe ce qu’on lit pourvu qu’on lise, il n’est ni bonne ni mauvaise lecture et Marcel Proust n’est pas supérieur à Harlequin…

Parfaitement inspiré de faits réels, La petite bibliothèque de l’espoir nous conte comment, durant la Seconde Guerre mondiale, à Londres, en plein Blitz, une bibliothécaire, Clara Button, et son assistante non qualifiée Ruby Monroe, se voient contraintes de reconstituer l’univers des livres dans le fin fond d’un tunnel désaffecté du métro, à Bethnal Green : 4.000 volumes à vingt-quatre mètres sous terre.

Bethnal Green était une station inachevée sur la Central Line, entre Mile End et Liverpool Street, avant de devenir un « village souterrain » où l’on parle, où l’on mange, où l’on dort et, surtout, où on lit ! Des triples couchettes pour 5.000 personnes, un théâtre, des cours de danse, un piano à queue, une coiffeuse et une bibliothèque !…

Les deux femmes réussissent, par leur force de persuasion, leur amour des livres et leur énergie vitale, à rendre l’espoir à des populations maltraitées par les bombardements, méprisées par l’Histoire officielle, la société et les circonstances.

Ceci est une histoire de souffrances et de rédemption avant tout. Ceci est une histoire de femmes en ces temps difficiles où les hommes font défaut, et ce récit est celui d’une résurrection bibliophile dans un milieu utérin, le métro par où va renaître l’espoir.

Clara Button est à la fois veuve de guerre et mère d’un enfant mort-né. Elle possède ce don étonnant de deviner, sur les traits de quelqu’un, au son de sa voix et en l’écoutant parler, quel est son livre préféré. Et elle ne se trompe jamais. Elle a « le don de rapprocher les personnes et les livres » ». Pour poursuivre son périple, elle doit s’éloigner à la fois de sa mère et de sa belle-mère, qui toutes deux représentent l’ordre ancien, une féminité incarcérée dans le bon vouloir masculin.

Clara se dévoue, elle croit à — et se bat pour — une nouvelle définition de la femme. Ce qu’elle propose, ce qu’elle donne à lire, ce n’est pas seulement de la distraction, mais aider au quotidien ses congénères en suggérant la « brochure sur le contrôle des naissances », ou bien « le facteur sexe dans le mariage », qui suggère des solutions concrètes pour améliorer la vie intime des couples. Elle participe à l’émancipation des femmes en leur faisant lire Ambre de Kathlen Winsor, un roman considéré comme choquant par les autorités. Elle n’est pas « que » bibliothécaire mais, comme le dit l’un des personnages, « facilitatrice de bonheur ».

Le  mot préféré de Clara, c’est « sérendipité : trouver sans chercher l’ensemble des faits heureux qui se produisent par hasard. Et D.ieu sait si le hasard, dans son cas, va bien faire les choses puisque Clara finira par retrouver l’amour et l’espoir grâce à son dévouement professionnel et humain. Elle finira par épouser Billy, infirmier bénévole, pacifiste et humaniste, et par adopter deux petites filles juives, Beatty et Marie, orphelines de mère, et dont le père ne se remettra jamais de sa déportation à Auschwitz.

Quant à l’autre personnage, Ruby, c’est une blonde incendiaire qui fume et boit trop, grande gueule mais le cœur sur la main, toujours maquillée et sexy malgré les privations.

À sa façon, plus brutale mais plus solaire, Ruby aussi lutte pour l’émancipation et le triomphe de la générosité en tentant, en particulier, de faire échapper sa mère à l’emprise tyrannique d’un mari inculte et violent.

A ceux qui resteraient sceptiques devant cette aventure romanesque « trop rose pour exister », à ceux qui ont perdu leur âme d’enfant et leur optimiste sur le chemin de la vie, on rappellera comment, dans le ghetto de Varsovie et durant plusieurs mois, de novembre 1940 à septembre 1942, Basia Berman réussit l’exploit de cacher entre 10.000 et 20.000 volumes en yiddish qu’elle prêtait, en particulier aux enfants, afin de maintenir la culture, la langue et l’espoir.

On rappellera également, plus près de nous, le rôle majeur que joua la lecture durant le premier confinement de 2020, période qui vit se développer à nouveau la vente et l’achat de livres alors qu’on aurait pu croire ce media voué à disparaître.

Kate Thompson cite, dans son ouvrage, un propos du maire de Saint Pancrace en 1941 :

« Les gens sans livres sont comme des maisons sans fenêtres. »

Des livres tel que celui-ci nous aident à garder nos fenêtres, toutes nos fenêtres, grandes ouvertes !

La petite bibliothèque de l’espoir, de Kate Thompson, aux éditions City. 320 pages. 20,90€.

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