« La robe de Hannah », de Pascale Hugues

Avec La robe de Hannah, Pascale Hugues a écrit un livre très bourgeois, dans lequel chaque mot est pesé. Il s’en dégage un grand calme, les phrases sont belles. Tout est parfait. Rien ne prédispose à la violence.

la robe de hannah pascale huguesAu début de ce roman, on a presque peur de s’ennuyer. Le sujet est la rue de l’auteur, à Berlin, et ses habitants. Tout d’un coup, l’angoisse vous prend de tomber sur un livre dont l’histoire est insipide, tout en exaltant la douceur de vivre. Cependant une rue de Berlin ne peut rester calme durant tout le XXème siècle, une rue bourgeoise partiellement juive encore moins. Et quoi qu’il se passe, l’auteur revient toujours à la Seconde Guerre Mondiale et aux années qui l’entourent.

Pascale Hugues parle des Juifs allemands de Berlin. Voilà un fait à prendre en compte tellement le sujet semble en général être évité. Miriam Blumenreich raconte le départ de sa famille de l’Allemagne nazie pour la Palestine. Rejetés d’Allemagne parce que Juifs, ils seront mal accueillis en Palestine parce qu’allemands.

Arrivés aux Etats-Unis, Hannah et son mari choisissent de taire leurs origines allemandes (« il y avait beaucoup de ressentiment contre les Allemands aux Etats-Unis »), ainsi que juives (« et de l’antisémitisme aussi ») ! Avec une grande douceur nous faisons connaissance des Juifs allemands de cette rue, ainsi que celle des allemands non Juifs. La plupart des témoignages sont tragiques, à l’image de cette rue qui garde les marques des bombes. Et entre l’histoire de la bourgeoisie allemande du début du XXème siècle, celle des célébrités ou encore celle du bordel, le lecteur revient encore et encore à la Seconde Guerre Mondiale et à ses conséquences.

Et comme le dit très justement Hans-Hugo Rothkugel : « Votre livre est un peu la tombe qu’ils n’ont jamais eu au cimetière de Weissensee. » Il parle de ses parents morts en déportation. Et ainsi nous avons devant nous un livre de Mémoire.

D’autres acteurs se côtoient et montrent que les destins des allemands de l’époque sont loin d’être tous identiques.

Avec l’âge les habitants de la rue prennent conscience de leur devoir de prendre la parole, ne serait-ce que pour évoquer le silence assourdissant pour les proches émis par les rescapés au retour des camps après la guerre, ce silence qui ne trouva aucune alternative. Les explications sur ce silence permettent d’ailleurs de mieux le comprendre.

Et les habitants de la rue après la guerre ? Une frénésie de reconstruction les aide à oublier la folie des années 30 et 40, ainsi que la peur lors des bombardements et de l’arrivée des russes.

Des photos de la rue et de ses habitants illustrent parfaitement le livre.

Au final, l’agencement du livre, entre les parties consacrées à la période nazie et celles consacrées au reste du siècle, lui permet de prendre son rythme et d’aborder sans doute la partie la plus difficile de cette époque de façon sereine et objective. Et il se termine comme il a commencé, avec l’époque actuelle.

Sophie MASSON pour Cultures-J.com.

La robe de Hannah, de Pascale Hugues, aux éditions Les Arènes. 332 pages. 19,90€.

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