« La vie magnifique de Frank Dragon », le premier roman de Stéphane Arfi

Aux premières pages de ce roman signé Stéphane Arfi, Frank Dragon est un jeune enfant.

Il vit avec ses parents, Ona et Tateh, ses deux poupées, Shakti et Nama, son hamster, Babaji, et aussi avec le silence. Il est muet mais entend, voit et comprend très bien. C’est d’ailleurs lui qui raconte.

C’est une narration avec les mots et inventions verbales d’un enfant, sans pour autant être un récit simple ou simplifié. D’autant plus que si l’auteur pose des expressions il laisse parfois le lecteur se débrouiller avec le sens, comme par exemple lorsque, après que les deux parents de Franck soient arrêtés et que ce dernier resté seul avec « le gros livre de D.ieu », il est caché chez Grand-mère-de-la-guerre. Alors appelé « enfant étoile », il est possible que ce terme soit lié à l’étoile jaune, mais aussi à une explication du livre où un lien se fait entre les morts et les étoiles.

Au cours de l’histoire, La vie magnifique de Frank Dragon développe un certain nombre de thématiques. D.ieu est très présent dans la mesure où Frank essaie de Le comprendre tel que son père le décrit, puis tel qu’il est décrit par les chrétiens. Chez les frères, il finit par faire une synthèse des deux et par sentir une complicité avec Jésus en croix, unique autre Juif du lieu.

Parallèlement, l’ouvrage parle beaucoup de la mort, de toutes sortes de morts : subie, choisie, donnée, incontournable, naturelle. Le thème du contact avec les morts est présent.

Le thème de la guerre est également abordé la Première, puis la Seconde, sa folie, ses camps de concentration qui abîment pendant et après. L’auteur l’exprime dans le discours décousu de Tateh à son retour. Le texte exprimé à ce moment-là montre le désarroi par sa structure avec des phrases qui s’enchaînent sans ponctuation. Le discours exprime aussi, entre remord et désir de vengeance, l’admiration de Tateh pour son peuple.

La présence de Louis-Ferdinand Destouches, ou Céline, oblige d’aller au-delà des préjugés et offre une scène improbable.

Si la suite n’est pas facile, la fin en revanche est heureuse. Comme dans le film Beauté cachée, le travail nécessaire face au deuil prend une place immense, transitant par un passage à vide qui ressemble à une impasse, avant que des rencontres et événements extérieurs ne poussent le héros à exprimer sa colère, et ainsi qu’il puisse soit renouer avec le bonheur, soit le découvrir.

Le personnage principal passe donc par une descente solitaire (et peut-on dire salutaire ?). La vie magnifique de Franck Dragon ne laisse pas indifférent, tant par son style que par la justesse avec laquelle il joue à la fois avec la langue française, mais également avec les symboles.

La vie magnifique de Frank Dragon, de Stéphane Arfi, aux éditions Grasset. 272 pages. 19,00€.

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