« Le coeur a ses raisons », premier long-métrage de Rama Burshtein

Avec une affiche qui n’est pas sans rappeler La fiancée syrienne d’Eran Riklis, sorti en 2004, Le cœur a ses raisons, le premier long-métrage de la réalisatrice israélienne Rama Burshtein, met en lumière l’univers très fermé des Juifs hassidiques de Tel Aviv.

C’est lors d’un mariage dans sa communauté que Rama Burshtein a posé les bases de son scénario. Par hasard, elle y rencontre une jeune fille âgée d’à peine dix-huit ans, et apprend qu’elle vient de se fiancer au mari de sa sœur décédée. Passionnée par l’observation qu’elle pose sur le monde orthodoxe auquel elle appartient, il ne lui en faudra pas plus pour se lancer dans ce premier projet d’envergure.

Esther, enceinte de neuf mois, est mariée à Yochaï. Mais lorsqu’elle est retrouvée inconsciente dans sa chambre et qu’elle décède peu de temps après avoir donné naissance à leur fils, c’est la vie des deux familles qui bascule.

Contraint de se remarier dans les plus brefs délais, Yochaï décide de partir en Belgique, où vit sa nouvelle future épouse. Mais ni la mère de Yochaï, ni celle d’Esther ne souhaitent ce départ, qui impliquerait inévitablement la perte de leur petit-fils. La seule solution serait donc que Shira, la sœur d’Esther, épouse Yochaï.

Si son père était marin, sa mère, actrice, chanteuse et peintre, a très tôt sensibilisé Rama Burshtein à l’art. Née en 1967 à New York, elle étudie le cinéma à la Sam Spiegel Film and Television School de Jérusalem, et réalise par la suite de nombreux documentaires et fictions à destination des femmes ultra-orthodoxes.

Dans Le cœur a ses raisons, l’essentiel des scènes est tourné en intérieur, comme en huis-clos, ce qui a pour effet – désiré sans doute, d’accentuer encore l’ambiance  confinée et discrète dans laquelle évolue la communauté hassidique. On sent à-travers les décors et les costumes, parfois usés, parfois « raccommodés » à grands coups d’épingles à nourrice, toute sa modestie et son dénuement. Si elle n’a pas eu pour ambition d’embellir ni de présenter une image idéalisée du monde ultra-orthodoxe, Rama Burshtein a cependant veillé à en donner un aspect plus humain, plus vivant, avec de réelles émotions. Pari réussi. La splendide scène au « gan » – école maternelle, dans laquelle Shira laisse transparaitre toute sa peine dans un air d’accordéon est simplement bouleversante !

Mais si ce film sollicite sentiments et émotions, il est également d’une lenteur et d’une obscurité étudiées qui semblent parfaitement convenir aux rituels et aux traditions juives dans lesquels le spectateur est invité à se plonger. Célébrations, cérémonie de la circoncision, mariage bien sûr… Si celles-ci peuvent sembler folkloriques, comme lors de la très arrosée fête de Pourim, elles peuvent aussi être parfois dérangeantes lorsque l’on prend conscience du fossé qui sépare les deux sexes, fossé à peine dissimulé.

Le cœur a ses raisons, qui sortira en France le 1er mai, fut pressenti pour représenter Israël pour l’Oscar du Meilleur film étranger, mais ne sera finalement pas retenu. Hadas Yaren, interprétant Shira, a quant à elle reçu le Prix d’interprétation féminine à la Mostra de Venise en 2012. Après avoir fait ses premiers pas à l’âge de seize ans dans le film de Daniel Syrkin, Out of sight, elle tient ici son premier grand rôle au cinéma.

Le coeur a ses raisons, de Rama Burshtein. DVD. 86 minutes.

Si vous désirez aller plus loin :

Le rabbi de Kotzk : un hassidisme tragique, de Catherine Chalier, aux éditions Arfuyen. 14,00€.
La naissance du hassidisme : Mystique, rituel, société (XVIIIe-XIXe siècle), de Jean Baumgarten, aux éditions Albin Michel. 613 pages. 27,40€.
Les récits hassidiques, tome 1, de Martin Buber, aux éditions Points. 438 pages. 17,80€.
Les récits hassidiques, tome 2, de Martin Buber, aux éditions Points. 322 pages. 24,00€.

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