Mariage à tout prix : « Le formidable envol de Motti Wolkenbruch », ou le poids de la tradition

Elle est si bien réglée, la petite vie zurichoise de Motti Wolkenbruch, entre ses études d’économie, son travail dans la compagnie d’assurances que dirige son père, sa vie de famille et la religion qu’il pratique avec conviction.

Il ne lui manque plus, de l’ avis de « Mane », sa mère, que de se marier enfin, et, comme tout bon juif, de procréer le plus grand nombre d’enfants possibles pour avoir, au plus vite, petits-enfants, arrière-petits enfants, et leur bâtir une maison qui les abrite tous. Et pour ce faire, la mère multiplie systématiquement les shiddouhs, -plus de dix quand débute le film-, parce qu’il faut bien trouver une gentille épouse juive à son gentil garçon juif.

La dernière jeune fille pressentie, Michal, est, elle aussi, lassée de cet acharnement conjugal et ils s’entendent, Motti et elle, pour obtenir au moins une pause, quitte à faire croire qu’ils éprouveraient vaguement quelque chose l’un pour l’autre. C’est mal connaître l’impatience de la mère qui s’imagine aussitôt qu’elle peut annoncer le mariage.

Mais qu’est-ce qu’il a donc, ce pauvre Motti Wolkenbruch, à se rebeller ainsi devant son destin ? De l’avis de son meilleur ami, expert en psychologie, il souffre de « dissonance cognitive », celle-là même qui pousse certains à fumer alors qu’ils savent pertinemment que le tabac peut les tuer.

D’ailleurs, par le plus grand des hasards, et parce que précisément « on ne sait jamais ce qui peut arriver » (c’est la devise de la compagnie d’assurance du père et c’est aussi l’une des morales majeures du film), Motti tombe amoureux d’une jeune fille, mais c’est une shiksa, une non-juive, Laura, qui n’a même pas vaguement une grand-mère juive, ça aurait au moins fait l’affaire…

Il a peut-être vocation à se défaire de l’armure des traditions, ce héros paradoxal aux airs de grand benêt. Après tout son patronyme, Wolkenbruch, en fait « celui qui brise les nuage ». Ce n’est pas peu dire.

Et le film va égrener les affres et les complications de la situation, avec finesse et sans caricature, parce qu’il ne s’agit pas de stigmatiser ni une attitude ni une communauté, mais simplement de faire surgir la densité des traditions face aux envies de liberté d’un individu.

Mickaël Steiner réussit une comédie touchante, pleine d’auto-dérision, qui, d’ailleurs rend hommage – et ce n’est pas un hasard –  à l’esprit de Woody Allen : on prête au héros, quand il opte pour de grosses lunettes et la barbe rasée, une supposée ressemblance physique avec celui-ci.

Le film nous dispense un grand moment d’humanité, et de rire salvateur aussi, au moment du séjour du héros à Tel Aviv. Et il ne s’interdit pas, à la toute fin, de passer par une phase nettement plus mélancolique et réaliste, pour bien insister sur la complexité des implications.

Ce film simple et agréable nous parle des élancements du cœur, ceux qui dépassent les principes, la morale traditionnelle et les religions. Par ces temps mélancoliques, c’est une véritable bouffée d’air frais.

Le formidable envol de Motti Wolkenbruch est un film fait par un juif pour tout le monde : toutes les religions et toutes les traditions sont hélas susceptibles de mener les individus dans ce type d’impasse.

Le formidable envol de Motti Wolkenbruch, de Mickaël Steitner, actuellement sur Netflix.

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