« Le mausolée », le nouveau roman d’Edouard Moradpour

Depuis sa mort en 1924, il y aura 90 ans l’année prochaine, la dépouille embaumée de Lénine ne cesse de diviser la société russe. Là où certains voudraient une inhumation dans les règles strictes de l’église orthodoxe – et selon le désir de Lénine lui-même, une poignée de communistes n’envisagent aucune autre sorte de sépulture pour le corps du charismatique leader.

le mausoleeEt c’est autour de ce débat,  et de ce tombeau de Lénine, qu’Edouard Moradpour a campé l’action de son nouveau roman, Le mausolée, et invite le lecteur à se plonger dans un récit où se tutoient forces du Bien et du Mal, aux frontières du mysticisme et de la Troisième Guerre Mondiale.

Moscou, 1989. Tatiana a cinq ans lorsqu’elle visite le mausolée de Lénine sur la Place Rouge.  Evacuée suite à un malaise, elle ne se doute pas que cette journée d’apparence anodine va changer à la fois le cours de sa vie, et celui du monde.

Vingt-cinq ans plus tard. Après des études d’histoire, Tatiana se retrouve call-girl au Club 121, un cabaret de strip-tease flirtant avec la prostitution.  A bientôt trente ans, elle a pour ambition de mettre de l’argent de côté dans le but de s’acheter un appartement, une voiture, et d’aider ses parents.

Un soir de représentation au club 121, elle fait la connaissance d’Oleg Bezkourov. Gunter, le directeur du club, tente de jeter Tatiana dans les bras d’Oleg, en arguant de la vie fastueuse qui l’attendrait si elle acceptait de répondre aux attentes de l’homme d’affaires. Mais derrière le séducteur tendre et attentionné se cache un être complexe, qui s’avère capable de prédire les catastrophes – tremblements de terre, crash d’avion, ou encore déraillement du train à grande vitesse Moscou – Saint Petersbourg. Dans une Russie fatiguée du mensonge et de la corruption de sa classe politique, et en quête d’un nouveau leader, Oleg Bezkourov et ses visions sont accueillis en sauveurs.

Dans ce roman où le maître-mot est « sauver la Russie », Edouard Moradpour brosse un portrait critique de la Russie et de sa société au sein de laquelle les écarts entre classes ne cessent de se creuser, mais également sur les choix politiques de ses dirigeants et leurs amitiés néfastes avec les pays de l’axe du Mal – Iran et Syrie en tête.  Au fil des pages, Le mausolée emmène le lecteur de cloîtres de monastères à l’excentrique Miami, des paysages désertiques de Sibérie en caches du Mossad, de l’ancien bunker de Staline aux studios Mosfilm où furent tournés les films des plus illustres réalisateurs russes des années  90, et le fait voyager à un rythme haletant et effréné.

Un excellent roman, à lire sans plus attendre !

Le Mausolée, d’Edouard Moradpour. Editions Michalon. 386 pages. 22€.

Merci à Edouard Moradpour et aux éditions Michalon pour leur collaboration à la rédaction de cet article.

Dans le cadre de la promotion de son nouveau roman, Le mausolée, Edouard Moradpour a accepté de répondre à quelques questions. Rencontre.

Cultures-J.net : Edouard Moradpour bonjour, et merci de nous consacrer quelques minutes pour répondre à nos questions. Le mausolée est donc votre second roman et, tout comme le précédent, son action se déroule en Russie. Pourquoi ce choix ? Quels sont vos liens avec ce pays ?
E.M. : Bonjour Cultures-J.net. Je suis très heureux de répondre à vos questions concernant mon nouveau roman Le Mausolée. Je suis de parents Juifs et ma mère était Juive russe. Sa famille avait émigre après la Révolution soviétique. Le russe a été ma langue maternelle, ce sont ces racines russes qui m’ont donné envie d’aller en Russie au moment de la chute du mur de Berlin fin 1989 pour y exercer mon métier de publicitaire, dans un pays qui s’ouvrait tout juste à ce domaine. J’y suis resté vingt ans, jusqu’en 2010. A mon retour en France, j’ai commencé ma carrière d’écrivain, imprégné de cette « âme » russe que j’avais envie de raconter.

C-J.net : Vous dédiez Le mausolée à Tatiana Mukhacheva, qui milite activement pour l’inhumation de Lénine. Comment l’avez-vous rencontré, et pourquoi avoir choisi ce débat sur le corps de Lénine comme trame de fonds ?
E. M. : Je dédie en effet Le Mausolée à Tatiana Mukhacheva qui se bat comme l’héroïne de mon roman, Tatiana, pour faire enterrer Lénine. Je l’ai rencontrée par hasard à Paris, lors de sa visite en France, et elle m’a parlé de son combat extraordinaire. C’était le déclic qui a déclenché l’idée de mon roman. En effet, une chose m avait toujours étonné en Russie, tout avait changé en vingt ans, en passant du communisme au capitalisme le plus débridé. La politique, l’économie, la société, les valeurs, le style de vie, etc. avaient changé, tout sauf une chose : le Mausolée sur la Place Rouge avec le corps embaume de Lénine. D’après tous les sondages, la majorité des russes est favorable à l’inhumation de Lénine, aussi bien pour des raisons politiques, que mystiques. Pour tirer un trait sur le communisme mais aussi parce que beaucoup de russes, qui sont profondément croyants, pensent que le corps non enterré de Lénine a toujours fait régner le malheur sur la Russie. Mais le pouvoir en place n’a jamais cédé a cette pression, pour ménager les vingt pour cent de la population encore fidèles aux idées communistes, et considérant la momie de Lénine comme un symbole auquel il ne fallait pas toucher. C’est ce qui m’a donne l’idée de mon roman, la lutte des forces du Bien contre des forces du Mal, pour leur voler le corps embaume de Lénine et le faire enterrer très loin, dans une forêt de l’Oural. Ce sera la mission de Tatiana dans mon roman, qui est un « thriller politico-mystique ».

C-J.net : On le voit sur internet – et vous le retranscrivez de plus très bien dans votre livre, le débat autour du tombeau de Lénine divise la société russe depuis bientôt un siècle. Faut-il ou non enterrer le corps de l’ex-leader ? En-dehors de toute considération politique, quel regard posez-vous sur ce sujet ?
E. M. : A titre personnel, je pense qu’il est grand temps de tourner la page du passé de la Russie et d’enterrer enfin Lénine qui, d’ailleurs, n’a jamais souhaité être « momifié » ». Il voulait, tout simplement, être enterré auprès de sa mère. Mais l’histoire en a décidé autrement. Je pense que l’enterrement de Lénine serait un symbole fort. De toutes manières, cela viendra un jour ou l’autre, j’en suis convaincu.

C-J.net : Une scène dans Le mausolée fait référence au « suicide » d’un journaliste qui s’en serait pris par voie de presse à votre protagoniste, Oleg Bezkourov. Cette anecdote n’est-elle pas inspirée de l’affaire Anna Politowskaïa ?
E. M. : Ce n’est pas une référence spécifique à l’affaire d’Anna Politowskaïa, qui a été assassinée, mais une manière classique de déguiser un assassinat politique en « suicide » dans pas mal de pays, et sous toutes sortes de régimes. La France elle-même, dans son passe récent, n’a pas été non plus à l’abri de ce type d’affaires troubles, par exemple l’affaire Robert Boulin, en 1979.

C-J.net : Comment vivez-vous le fait qu’en Russie, Le mausolée soit au cœur d’une vive polémique, au point d’être déchiré et piétiné au pied de la statue de Lénine ? Vous attendiez-vous à de telles réactions lorsque vous avez décidé de choisir ce sujet ?
E. M. : Je m’attendais à des réactions en Russie face à mon roman, et à ce thème très sensible du Mausolée, mais pas au point de voir mon livre déchiré et piétiné au pied d’une statue de Lénine ! Cependant, cela ne peut venir que d’une petite minorité et, de ce fait, ne m’inquiète pas réellement. Je compte bien publier mon roman en Russie dès que possible. Ce que j’espère, c’est que Le Mausolée puisse contribuer à alimenter un véritable débat public qui, un jour, débouchera sur un référendum. Ce sera le seul moyen de faire enterrer Lénine « démocratiquement ». Ce sera peut être ma façon à moi d’aider la véritable Tatiana, dans la vie réelle, à remplir enfin sa mission.

C-J.net : Quels sont vos futurs projets ? Travaillez-vous déjà sur un autre roman ?
E. M. : Je travaille en effet sur deux romans en même temps. D’une part Le Mausolée Tome 2, avec la suite des aventures de Tatiana, qui devrait devenir en quelque sorte une saga en trois volumes. D’autre part, un roman d’amour très personnel, qui pourrait être la suite de mon premier roman La Compagne de Russie, mais qui ne se déroule pas, cette fois-ci, en Russie.

C-J.net : Merci encore pour votre collaboration, et bonne chance pour l’avenir.
E. M. : Je vous remercie beaucoup de l’attention que vous avez portée à mon roman.

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