« Le rapport Pilecki », récit d’un déporté volontaire à Auschwitz

Il y a eu des bourreaux ordinaires. L’histoire de Witold Pilecki illustre quant à elle le fait qu’il y a également eu des héros ordinaires. Quand certains se sont révélés cruels et inhumains, d’autres, au contraire, ont symbolisé courage et humanité.

C’est le cas de ce polonais que rien ne semblait promettre à un destin hors du commun. Le 19 septembre 1940 il se fait volontairement raflé pour être emmené à Auschwitz. Son objectif : organiser la résistance à l’intérieur du camp, en prévision d’une future opération armée visant à la libération des prisonniers.

Là-bas il y côtoie l’horreur. La mort peut frapper n’importe qui, n’importe comment, et surtout, sans raison. L’absurde est roi.

Son récit décrit avec réalisme l’enfer qu’est le camp d’extermination. Une usine de destruction des corps mais également des âmes. Il explique — et c’est son principal objectif — comment la machine de mort est orchestrée dès l’arrivée des convois.

Dante a dit, parlant de l’enfer, « Toi qui entre ici abandonne toute espérance » ; l’héroïsme de Pilecki va démontrer qu’il n’en est rien.

Le témoignage de Pilecki ne fait à aucun moment dans l’exagération, sa volonté n’est pas de raconter une histoire, mais de décrire une réalité. Son but est purement militaire : donner le maximum d’informations afin d’organiser la libération future du camp, et construire un noyau de résistance à l’intérieur de celui-ci. Une résistance qui va passer non pas par les armes, mais par l’entraide entre les différents membres d’un réseau qu’il a créé de toute pièce.

En effet, il va enrôler petit à petit d’autres prisonniers du camp, constituant des cellules cloisonnées. De cette manière il va infiltrer les différents blocks, tissant une véritable toile qui lui permet de placer les éléments les plus faibles aux postes les moins durs. Il sauve ainsi de nombreuses vies. En 1943, et après une rocambolesque évasion, il essaie en vain de convaincre la résistance polonaise de libérer Auschwitz.

Outre l’aspect historique et narratif, la vie de Pilecki est un véritable dilemme philosophique. Nombreux sont ceux qui ont écrit sur le Mal, et sur le mécanisme qui conduit un homme ordinaire à devenir un bourreau. Les illustrations sont d’ailleurs légions dans le livre. Pilecki, par son choix, illustre le fait qu’a contrario un homme ordinaire peut devenir un héros extraordinaire. Au cœur même de l’enfer, des êtres humains ont refusé d’être brisés, et ont défendu leur humanité alors même que toute la machine nazie visait à en faire des « non hommes ».

L’histoire de Witold Pilecki incarne également la métaphysique de la tragédie antique. En effet, après avoir survécu à l’impensable, après avoir traversé l’absurde, il croise à nouveau son chemin. L’homme libre, le résistant, le héros est repris dans les rets du fatum, du destin.

Trois ans après la fin de la guerre il est exécuté clandestinement par le régime communiste mis en place en Pologne. L’horreur aura laissé place à l’horreur, l’absurde à l’absurde, la honte à la honte. Des millions d’hommes seront sacrifiés sur l’autel du totalitarisme. Pilecki aura donc eu une vie de résistance, il sera resté, du début à la fin, un héros ; un héros à la fin tragique dont l’histoire est méconnue.

Le rapport Pilecki, de Witold Pilecki et Isabelle Davion, aux éditions Champs Vallon. 324 pages. 25,00€.

Et pour la jeunesse :

Le rapport W. Infiltré à Auschwitz, de Gaetan Nocq, aux éditions Daniel Maghen. 264 pages. 29,00€.

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