« Madame Vauzanges » : de Dreyfusard à collabo, quand la doctrine l’emporte sur les valeurs…

Elisabeth Haïk, auteure de cette exo-fiction, nous conte l’histoire d’une rencontre entre une vieille dame indigne et une réalisatrice dont on peut penser qu’elle est juive. Et cette spécificité va emmener le lecteur sur une réflexion bien moins anodine qu’il n’y paraît !

Docu-fiction puisque l’auteure mélange avec bonheur acteurs publics et personnages imaginaires, et cette alchimie marche très bien.

Madame Vauzanges appartient à cette partie de la société française plus dominée par son appartenance à une classe sociale privilégiée qu’à une éthique et un comportement patriotique, bien qu’en ces années 40 le patriotisme soit à géométrie variable. Alors que son père fut un ardent dreyfusard, au nom de croyances républicaines, ce dernier va verser dans une collaboration plus ou moins active, du fait d’un antisémitisme solidement ancré dans une large frange de la population. Cet intellectuel français, comme beaucoup d’autres, adhèrera aux idées de l’action française, au nom de la défense de la patrie, tellement menacée par le cosmopolitisme et les juifs bien sûr !

Et cette femme, au nom de la défense d’une certaine idée de la France, versera dans une indifférence totale à l’égard de ses contemporains juifs, sans jamais se poser la question de la responsabilité personnelle. Etant au-dessus, elle ne va pas se compromettre avec ces étrangers, dont elle ignore la réalité, la complexité. Assez de s’occuper de soi-même, si en plus !…

Un autre personnage entrera en scène, plus interrogateur, plus gênant, moins léger et qui rappellera au lecteur que certains évènements ne sont pas totalement innocents, autant pour son auteur que pour son héritière !

Un roman à l’écriture minimaliste — peut-être trop —, mais qui a le mérite d’aller droit au cœur de ce qui fait, ou ne fait pas, une Nation, à savoir que l’innocence supposée se fait très souvent au détriment de la vie des autres.

Madame Vauzanges, d’Elisabeth Haïk, aux éditions Librinova. 216 pages. 14,90€.

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