Dernières : « Mazel tov, tout va mal », au théâtre de l’Essaion

Dans le cadre du 100ème anniversaire de la disparition de Sholem Aleikhem, un des plus célèbres écrivains de langue yiddish, le théâtre de l’Essaion accueille du 21 avril au 18 juin la pièce Mazel tov, tout va mal.

AFFICHE MAZEL TOVAuteur de romans, de nouvelles et de pièces de théâtre en yiddish, l’oeuvre de Sholem Aleikhem a été traduite dans une quarantaine de langues, et il est surtout connu pour avoir créé « Tevyé le laitier », le personnage principal d’Un Violon sur le Toit, premier succès commercial d’une pièce en anglais décrivant la vie du peuple juif d’Europe de l’Est avant la Shoah.

Mazel tov, tout va mal est composé de trois pièces en un acte, dont une création et deux librement inspirées par des nouvelles de l’auteur. Sur les planches, ce sont quatre comédiens qui interprètent tour à tour plus de quinze personnages, se cachant parfois derrière des masques afin d’accentuer le drame, et invitent les spectateurs à se plonger dans un univers yiddish ramené à l’époque contemporaine. Bercé de musiques klezmers, Mazel tov, tout va mal est un spectacle qui fait « acte de mémoire par ses références, acte de résistance pacifique par son esprit enjoué et festif » selon les propres mots de son auteur, Jean-Henri Blumen.

Trois pièces en un acte donc. Le bon conseil tout d’abord, ou la rencontre improbable entre Sholem Aleikhem, alors au sommet de sa gloire, et un jeune bourgeois, Yochqué, très embêté par un encombrant médecin. De mauvais conseils en dialogue de sourds, tous deux semblent condamnés à ne pouvoir s’entendre.

Le collège ensuite. Paris, 2010. Moïché et son épouse doivent inscrire leur fils Jacob dans un collège privé. Mais attention, c’est que le petit Jacob a « un cerveau comme il n’y en a pas deux dans Paris ». Quoi de mieux donc que cet établissement prestigieux qui accueille enfants de diplomates, de ministres et d’ambassadeurs ? Le seul problème est qu’il ne reste que trois places disponibles. Qui sera le vainqueur ?

Un client à la page enfin, dont le dénouement donne son titre au spectacle. Girly Hebdo est un magazine féminin satirique dont la situation financière est au plus mal : comptes dans le rouge, baisse des ventes, etc. Et tandis que Véronique, la directrice, et Martine, sa secrétaire, s’arrachent les cheveux pour trouver un titre pour le nouveau numéro, voilà que débarque ‘Haïm, un rabbin du 19ème arrondissement, avec une requête bien étrange.

Mazel tov, tout va mal, au théâtre de l’Essaion jusqu’au 18 juin. Renseignements et réservations sur le site du théâtre de l’Essaion.

Si vous désirez aller plus loin :

– Consultez notre sélection d’ouvrages de Sholem Aleikhem.

Dans le cadre de son spectacle Mazel tov, tout va mal, Jean-Henri Blumen a accepté de répondre à nos questions.

Cultures-J.com : Après avoir fondé l’Ensemble Kol Aviv, une troupe de musique et de danse que vous avez dirigé pendant une quinzaine d’années, vous vous êtes orienté vers l’écriture de pièces de théâtre. Pourquoi ce virage ?
Jean-Henri Blumen : J’ai créé l’Ensemble Kol Aviv, chants et danses d’Israël entre la fin 1967, année de la Guerre des Six Jours, et 1968, année des révoltes de mai. Cette précision résume le fait que cette troupe était l’expression d’une jeunesse juive en quête d’identité culturelle. Petit à petit je me suis rendu compte que ni le folklore israélien ni le répertoire yiddish ou judéo-espagnol ne pouvaient satisfaire entièrement cette quête.
Le théâtre m’a permis d’ouvrir d’autres voies en m’apportant un large champ d’expression avec la langue française et en me permettant de parler au présent, ce qui est le cas dans ce spectacle.
J’ai la chance de pouvoir composer la musique de mes pièces, preuve que je suis toujours attaché à l’expression musicale. Alors disons pour conclure que le théâtre ne constitue pas pour moi un virage mais un enrichissement.

C-J.com : Mazel tov, tout va mal est votre nouveau spectacle, plus de dix ans après Le rêveur, qui était déjà inspiré de Cholem Aleikhem. D’où vous vient cet intérêt pour cet auteur ?
J.-H. Blumen : Je ne parlerai pas du talent de conteur de Cholem Aleikhem, je parlerai de lui comme d’un témoin de la comédie humaine version juive. Le monde dans lequel vécu Cholem Aleikhem(1859-1916) possédait des similitudes avec le notre. Ce fut un monde de rupture, de bouleversements économiques, politiques, un monde d’incertitudes, et comme toujours en situation de crise, de retour à l’antisémitisme virulent.
Malgré le sort cruel qui s’abattait sur les Juifs, malgré les turpitudes de la nature humaine, malgré ses déconvenues personnelles, Cholem Aleikhem avait choisi le parti d’en rire. Il avait le talent de faire émerger le comique des situations dramatiques.
Je peux parler alors de modèle mais il n’est pas le seul dans ma culture qui s’étend de Mozart, Monteverdi, à Tex Avery en passant par Shakespeare, Tchekhov, Hitchcock…

C-J.com : Même transposée à l’époque actuelle, l’âme yiddish demeure très présente dans ce spectacle (dialogues, scènes cocasses, humour, références au théâtre russe…). Est-ce votre contribution pour perpétuer un monde à jamais disparu ?
J.-H. Blumen : Il ne s’agit pas pour moi de perpétuer volontairement quoi que ce soit. D’autres que moi s’y emploient avec beaucoup de mérite. Ce sont des historiens, des traducteurs, des enseignants, travailleurs de l’ombre, je leur adresse toute ma reconnaissance. Par contre, je serai heureux de pouvoir dire à un large public : la littérature yiddish (nouvelles, romans, poèmes, théâtre) est un véritable trésor injustement ignoré. L’œuvre de Cholem Aleikhem en fait partie.
Vous parlez dans votre question d’âme. C’est bien d’âme dont il s’agit. Un monde a disparu comme vous le dites, mais si vous constatez que son âme anime ma pièce, sous une forme qui a nécessairement évolué avec le temps, je m’en réjouis.

C-J.com : Dans Un client à la page, la dernière pièce en un acte de Mazel tov, tout va mal, vous situez l’action dans les bureaux d’un journal satirique qui n’est pas sans faire penser à Charlie Hebdo. Pourquoi ce choix ?
J.-H. Blumen : Le 7 janvier 2015 des journalistes sont assassinés à Paris pour avoir caricaturé le prophète d’une religion. Comme beaucoup, j’ai été choqué par cet événement et, alors que j’étais en train d’écrire ce spectacle depuis plusieurs mois, j’ai voulu écrire une pièce en réponse à ce crime.
Quelle pourrait être l’attitude d’un rabbin confronté à des caricatures de Moïse ? Voilà contenue dans cette pièce, une réponse possible. J’affirme clairement dans ma pièce que le judaïsme ne tue pas. Ce n’est pas inutile de le rappeler dans un pays où les antisémites et les antisionistes ne se gênent pas pour clamer le contraire. N’avez-vous pas comme moi entendu les cris de « Juifs assassins » ?  Ces cris ont germés dans l’esprit des assassins de janvier 2015.
Face à des événements d’une telle gravité, la difficulté fut de trouver le bon ton léger qui convenait à l’ensemble du spectacle. Il fallait aussi justifier la venue de ce rabbin dans les bureaux d’une revue féminine satirique « branchée ».
Légèreté, vraisemblance, et message, tout cela dans un climat de comédie, le public sera juge de la réussite de ce challenge.

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2 commentaires sur Dernières : « Mazel tov, tout va mal », au théâtre de l’Essaion

  1. Très intéressant point de vue, bienvenu avant de voir le spectacle. Tout à fait d’accord avec les affirmations de l’auteur – j’attends avec impatience de voir le spectacle.

    • j’ai vu le spectacle hier. Quelle déception! Où est l’humour Yiddish? C’est lourd, illustratif. Ce spectacle va à l’encontre du but recherché.

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