« Les néo-romantiques, un moment oublié de l’art moderne, 1926-1972 », au Musée Marmottan

La nouvelle exposition du Musée Marmottan s’ouvre sur une toile, aussi immense que déconcertante, « L’ensemble », de Francis Rose, représentant une galerie de personnages auréolés de gloire au début des années 1930. Parmi ceux-ci, un peu à l’arrière-plan et comme penchée sur son ouvrage, figure Gertrude Stein.

Elle était présente en février 1926 à la galerie Druet, qui présentait l’unique – ou presque unique – exposition de ceux que l’on ne nommait pas encore les néo-romantiques : Christian Bérard, Thérèse Debains, Kristian Tonny, Pavel Tchelitchew, Eugène et Léonide Berman…

Ils venaient de divers horizons mais avaient pour point commun d’admirer, et de continuer à respecter, les maîtres anciens, surtout Italiens et Hollandais, de pratiquer un art conforme à la tradition et au classicisme, et de ne pas renoncer au figuratif. C’est sans doute en partie ce qui explique que la postérité ait pu leur en vouloir : difficile, dans les années trente, de résister aux sirènes du Cubisme, de se protéger du cyclone Picasso.

Ils n’étaient pourtant pas dépourvus de talents. On sait qu’au salon d’automne de 1925, lorsque Gertrude Stein avait fait la connaissance de Pavel Tchelitchew, elle avait été immédiatement conquise et lui avait acheté tout le contenu de son atelier.

Qu’on en juge, dans l’exposition, par ce Personnage de 1927 peint à l’huile et au marc de café sur toile, comme une apparition en relief tout à la fois effrayante et profonde ; qu’on en juge par ce Clown vert de 1929 sur lequel, de façon délicieusement surréaliste, d’autres clowns, plus petits, viennent se greffer, créant ainsi un sentiment de tableau dans le tableau, de toile à multiples facettes, de difformité plaisante… Et c’est par l’intermédiaire de Pavel que Gertrude Stein avait ensuite fait la connaissance de Christian Bérard et d’Eugène Berman. Puis qu’elle s’était rendue à la galerie Druet.

Mais les néo-romantiques ne connurent qu’une seule autre exposition, le 5 juillet 1939, au 17 place Vendôme, dans la galerie dirigée par René Drouin et Léo Castelli. C’était Léonor Fini qui était chargée de la supervision artistique et, pour l’occasion, elle avait fait confectionner à son ami Eugène Berman cette très surprenante Garde-robe en trompe-l’oeil, peinte sur châssis en pin.

On les oublia. Heureusement pour eux qu’un certain nombre de collectionneurs ne cédèrent pas à la mode de l’époque et leur offrirent ainsi la possibilité de travailler et de vivre de leur art.

Parmi ces collectionneurs, Hélène Anavi, née à Beyrouth dans une famille juive d’origine roumaine, et dont on découvre l’étonnant portrait de 1948 par Christian Bérard, Portrait d’une femme (Hélène Anavi). Elle et son mari, le banquier Claude Hersaint, avaient constitué une impressionnante collection d’artistes contemporains : Dali, Georges Mathieu, Miro, Balthus, et Christian Bérard…

Christian Bérard était probablement le plus talentueux de tous, mais il est aujourd’hui infiniment plus connu pour avoir signé les décors de La belle et la bête, le film de Cocteau, que pour ses huiles. Il faut dire aussi que lui, comme bon nombre de ses congénères, aimait un peu trop la fête, l’opium et les jeunes gens. Sans doute ne surent-ils défendre leurs intérêts auprès des marchands d’art. On leur rend aujourd’hui hommage, de manière juste et délicate.

Une toile de petite dimension clôt, ou presque, cette belle exposition : il s’agit d’une œuvre des années trente signée Kristian Tonny, D’après Van Eyck. On y voit le portrait de Gertrude Stein, vêtue d’une longue robe rouge et la tête couverte d’un large chapeau jaune : elle fixe le sol, comme perdue dans ses pensées. Le regret de ne pas avoir donné leur vraie place à d’autres qu’aux cubistes ? qui sait ?

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