« Remember », le nouveau film-choc du réalisateur Atom Egoyan

« You must find him. You must kill him. »

atom egoyan remember martin landauRemember est le dernier film d’Atom Egoyan, réalisateur canadien, né en Egypte et d’origine arménienne. De beaux lendemains, adapté du roman de Russell Banks, lui avait valu le Grand Prix du Jury à Cannes, ainsi que deux nominations aux Oscars.

Atom Egoyan est un jeune réalisateur qui possède déjà un palmarès étonnant, et il nous livre avec Remember un autre aspect de sa maîtrise cinématographique. Son avenir est très, très prometteur !

Déjà en 2002, il frappait fort avec Ararat, traitant du génocide arménien. Il était alors le second réalisateur, après Henri Verneuil qui signa le merveilleux Mayrig en 1991, à aborder ce sujet au cinéma. Ararat est plus une étude sur le devoir de Mémoire, sur notre obligation à ne pas laisser sombrer dans l’oubli de telles tragédies, que ce soit le génocide des juifs et des arméniens, ou plus récemment celui des Tutsis au Rwanda.

Atom Egoyan nous livre au fur et à mesure de ses films, de ses création artistiques, une oeuvre à la fois personnelle et universelle. La psychologie humaine est un domaine qu’il aime explorer, il veut comprendre ce qui fait agir l’être humain, qu’il soit homme ou femme, jeune ou vieux, heureux ou malheureux.

Remember nous raconte une recherche, une quête. L’histoire débute dans une maison pour personnes âgées, un lieu oppressant mais pathétique où vivent Zev Guttman, 85 ans, survivant de l’Holocauste et souffrant de démence sénile, et Max, qui lui a conservé la plénitude de ses facultés intellectuelles mais qui souffre d’hémiplégie. Ces deux hommes sont liés par un passé commun et tragique, celui du camps d’Auschwitz.

Zev vient de perdre sa femme et reprend sa vie au sein de la maison de retraite à l’issue des sept jours de deuil. Mais son ami Max a décidé de lui confier une mission, celle de retrouver et de tuer celui qui les a torturés et a assassiné leur famille respective. Il sait, grâce au centre Simon Wiesenthal, que leur tortionnaire a émigré aux Etats-Unis sous une fausse identité.

Max a tout prévu. Malgré l’invalidité de Zev et son âge avancé, il le convainc de partir. Tout est organisé, le circuit est réglé, les hôtels sont réservés et on viendra le chercher aux aéroports… Zev doit retrouver cet assassin qui se fait aujourd’hui appeler Rudy Kurlander. Quatre personnes portent ce nom aux Etats-Unis.

Il fugue et part donc avec sa liste, et une lettre d’instruction. Lorsqu’il l’aura retrouvé, il devra le tuer. En suivant les traces de cet homme, Zev fera la connaissance d’anciens nazis éparpillés dans l’Amérique profonde, et qui ont réussi à se reconstruire une vie dans ce pays.

Confronté à son passé, Zev parviendra à son but. Mais à quel prix ? 

Remember aborde beaucoup de registres, tout n’est pas aussi clair. On se prends d’affection pour cet homme âgé un peu perdu, et qui veut accomplir cette mission, cette promesse. Il est vieux et n’a rien à perdre, juste rendre justice. On se révolte également face à la cruauté du geste de vouloir tuer, mais on le comprend.

Comme dans ses précédentes réalisations, Atom Egoyan nous contraint à ne pas nous contenter de la réalité et de son apparente sérénité. Sous le vernis de l’existence peuvent parfois se cacher des vérités inimaginables, monstrueuses.

Ce film est porté par le jeu incroyable de Christopher Plummer, âgé de 86 ans, qui simule avec un réalisme effarant les faiblesses de l’âge. Fébrile mais résolu, apeuré mais courageux, on ne le quitte pas des yeux, frémissant avec lui des épreuves qu’il doit traverser pour accomplir son dessein. Acteur shakespearien de cinéma, de télévision et de théâtre, Christopher Plummer donne toute la dimension à ce road-movie lent mais émouvant, tendre parfois.

L’interprétation des autres acteurs, dont le grand Martin Landau, le magnifique Martin Landau, 88 ans, qui nous captive par son regard froid et son effroyable demande, ainsi que Dean Norris, bien connu pour ses rôles dans des téléfilms et dans des séries T.V. comme Under the dome, rendent le film captivant et parfois insoutenable !

Le thème des anciens nazis encore vivants et cachés aux États-Unis a déjà été plusieurs fois abordé au cinéma, comme dans Un élève doué, de Bryan Singer, This Must Be the Place, de Sorrentino, ou encore Marathon Man, de John Schlesinger. Est-ce un film sur la vengeance ? Tout le long, effectivement, Zev doit sans cesse se remémorer son objectif. Mais c’est surtout un film qui traite du devoir de Mémoire, et de la perte de mémoire. C’est une vengeance planifiée, certes, et l’on suit Zev dans son parcours avec peur et émotion, pour finir par LA rencontre finale. On se questionne à chaque instant : Va t-il aller jusqu’au bout de la promesse faite à son vieil ami Max ? Que va t-il vraiment découvrir ?

Le dénouement est un calvaire qui s’apaise. On quitte le film complètement sonné, avec l’ impression d’avoir assisté à une performance de haut niveau. Atom Egoyan a réussi un film poignant,  touchant et réaliste, dur de part certaines scènes, mais avec une mise en scène toute en pudeur et en finesse, et donnant matière à réfléchir. En le visionnant, j’ai eu en mémoire le film d’Alexandre Arcady, K, et deux citations. Une phrase d’André Malraux tout d’abord : « La vérité d’un homme est d’abord ce qu’il cache », une parole du Talmud ensuite : « La vérité ne se cache pas derrière les apparences ; derrière les apparences, il y a d’autres apparences ».

A voir incontestablement !

Myriam HALIMI pour Cultures-J.com.

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