« Retour à Birkenau », le bouleversant témoignage de Ginette Kolinka

Le récit de Ginette Kolinka est empreint d’une grande simplicité, elle ne va pas s‘égarer dans des concepts, des parenthèses, ou encore une intimité superficielle, si éloignée de la réalité factuelle de la vie collective d’un camp de concentration et d’extermination.

Elle décrit la géhenne telle qu’elle l’a vécue, aucune concession au sordide, à la cruauté, à la nudité, au dénuement, à l’avilissement, et surtout à la séparation. Les mots sont crus, directs, aucune formule ampoulée, les détenues se pissent sur elles, défèquent sur elles, font de leurs urines un antiseptique ; elle décrit aussi la bassesse de certaines, et rares sont les moments de générosité. Souvent la survie se fait au détriment, malgré soi, malgré les valeurs transmises, à cause d’un espoir dont on se demande comment il subsiste au milieu de ces corps plus souvent morts que vivants.

Les camps peuvent révéler le pire de l’humanité, on peut même dire qu’ils les exhaussent. Le bien et le mal ont disparu, seule subsiste la folie d’une humanité qui a perdu ce qui la constituait.

Aucune théorie politique ou sociologique ne trouve sa place dans le résumé de sa vie, elle n’est pas là pour comprendre ou prendre parti, même si de fait elle le fait ; et elle ne fait pas du nazisme et de sa spécificité un paradigme, elle ne démonte pas un système, elle le subit dans toute sa violence, dans toute son incompréhension, dans son innocence perdue.

Elle nous raconte l’avant et l’après, cette famille juive qui veut s’intégrer, quitte à se désintégrer, séparée pendant la guerre et dont une partie ne reviendra pas ; elle nous parle de Bergen-Belsen, d’une usine à Raghun, où les juifs sont ostracisés, comme s’ils étaient encore en état de nuire, à croire qu’on leur prête des ressources surhumaines ; de Theresienstadt, qui vient d’être libérée par les Russes, dernière étape avant le rapatriement. Ce dernier camp est le commencement de la résurrection, même si le typhus continue à la marquer, comme le numéro qu’elle porte sur son avant-bras.

De retour à Paris, où ses sœurs et sa mère l’attendent, elle met du temps à sortir de sa captivité, de sa mémoire souillée, de sa solitude. Et comme souvent , elle ne dit mot de ce qu’elle a enduré. Qui pourrait la croire ?

Bien plus tard sa parole se libérera et servira de pont générationnel, tout en ayant conscience de la difficulté, presque l’impossibilité de rendre palpable ce qui ne l’est pas pour le commun des mortels, quels qu’ils soient ; après avoir accepté ce rôle de témoin vivant de l’horreur, elle se posera toujours la question  de savoir si les adolescents adhéreront à ses récits sans fard, sans théorie, sans analyses.

Une historienne, ce qu’elle ne revendique pas, des faits dans une langue accessible, un livre naturaliste, presqu’expressionniste tant les scènes dans le camp sont terrifiantes.

Un livre concis et fort. Et ce qui est peut-être encore plus frappant, c’est que chaque « retour à Birkenau » occasionne parfois de la beauté, et parfois de l’indifférence tant le regard a changé. Il a retrouvé son humanité.

Retour à Birkenau, de Ginette Kolinka, aux éditions Grasset. 112 pages. 13,00€.

Si vous désirez aller plus loin :

Histoire de la Shoah, de Georges Bensoussan, aux édition PUF. 128 pages. 9,00€.
Atlas de la Shoah. La mise à mort des Juifs d’Europe. 1939-1945, de Georges Bensoussan, aux éditions Autrement. 96 pages. 19,90€.

Et pour la jeunesse :

La Shoah, des origines aux récits des survivants, de Philip Steele, aux éditions Gallimard jeunesse. 96 pages. 19,95€.
Histoire de la Shoah : de la discrimination à l’extermination, de Clive A. Lawton, aux éditions Gallimard jeunesse. 8 pages. 14,00€.
Auschwitz, de Pascal Croci, aux éditions EP. 64 pages. 16,00€.

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