« Romain Gary s’en va-t-en guerre », le nouveau roman de Laurent Seksik

Laurent Seksik est né à Nice en 1962. Son premier roman, Les mauvaises pensées, a été publié en 1999. Il  poursuit sa carrière de médecin radiologue à Paris tout en enrichissant la littérature française de ses romans.

Après avoir passionné ses nombreux lecteurs notamment avec Les derniers jours de Stefan Zweig et Le cas Eduard Einstein, l’écrivain consacre un ouvrage magnifique à l’enfance de Romain Gary.

Sans refaire l’histoire de l’écrivain – le seul à qui le Prix Goncourt a été décerné à deux reprises, en 1956 et 1975, sous deux identités différentes – , Laurent Seksik s’intéresse essentiellement à son enfance et au départ du père, étape décisive dans la vie de Romain Gary.

Né Roman Kacew en mai 1914, fils de Arieh-Léïb Kacew et Nina, tous deux Juifs ashkénazes, il a, tout au long de son existence, entretenu le mystère sur son nom et son ascendance, brouillant les pistes avec un certain plaisir, à l’instar de sa ville natale : Vilna sous l’empire russe, puis Wilno la polonaise, et Vilnius dans l’actuelle Lituanie, nommée la « Jérusalem de la Lituanie ».

N’est-il pas allé jusqu’à s’inventer un père – et quel père ! – en la personne du comédien le plus illustre du cinéma russe d’avant la Révolution : Ivan Illitch Mosjoukine ?

Cependant, tous ses biographes, dont Myriam Anissimov, ont démontré que Romain Gary n’a pas été conçu par le comédien. Il est bien le fils d’Arieh, fourreur de génération en génération, fier de son métier, « membre de la Grande Guilde des Artisans Fourreurs sous le Tsar ». Arieh, même s’il aime Nina, ne supporte plus ses humeurs changeantes, sa « folie », et tombe amoureux de la jeune et douce Frida qui lui donnera deux enfants.

Arieh quitte le domicile conjugal alors que le petit Roman n’a que onze ans, et c’est cette déchirure que Laurent Seksik décrit dans Romain Gary s’en va-t-en guerre.

Son existence va basculer après le départ du père, vécu comme une trahison : c’est contre la réalité que Romain Gary va mener sa guerre, lui qui avait La vie devant soi ». Il saura garder au coeur La promesse de l’aube ».

Entre réalité et fiction, Laurent Seksik imagine les tourments du jeune Roman : au cours de cette journée de 1925 – le temps de ce roman biographique – il découvre « la douleur d’une mère, les grands dommages du passé, les passions inconsolables, la lâcheté des hommes, le parfum de la mauvaise conscience, le relent oppressant du remords…« 

L’épilogue, dont la lecture est saisissante, laisse entrevoir le sort terrible qui sera fait aux Juifs de Lituanie et de toute l’Europe. Quant à Roman et Nina, on ne sait pas encore qu’ils trouveront refuge en France trois ans plus tard. La vie de Roman sera un véritable pied de nez au destin qui lui était promis.

Ce nouvel ouvrage de Laurent Seksik, conteur de talent, est accueilli avec le même bonheur par tous les lecteurs qui ont aimé ses précédents livres. Avec respect et sensibilité, le romancier tente de percer le mystère de cet écrivain de génie qui a su, tout au long de son existence, cultiver l’ambiguïté et nous a offert une oeuvre magistrale.

Romain Gary s’en va-t-en guerre, de Laurent Seksik, aux éditions J’ai lu. 256 pages. 4,60€.

Si vous désirez aller plus loin :

Les derniers jours de Stefan Zweig, de Laurent Seksik, aux éditions J’ai lu. 192 pages. 6,10€.
Le cas Eduard Einstein, de Laurent Seksik, aux éditions J’ai lu. 316 pages. 7.60€.
La vie devant soi, de Romain Gary, aux éditions Folio. 273 pages. 8,00€.
La promesse de l’aube, de Romain Gary, aux éditions Folio. 390 pages. 8,50€.

Et pour la jeunesse :

Les derniers jours de Stefan Zweig, de Guillaume Sorel et Laurent Seksik, aux éditions Casterman. 88 pages. 16,00€.

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