« Le syndrome K » : des médecins catholiques au secours des juifs de Rome

C’est une histoire presque trop belle pour être authentique. Et pourtant elle l’est, rigoureusement.

Il était une vraie fois, dans la belle ville de Rome, plus précisément sur l’île Tibérine, au milieu du Tibre, un hôpital catholique, le Fatebenefratelli, dirigé durant les années quarante par le docteur Giovanni Borromeo.

L’hôpital, aujourd’hui encore, se trouve juste en face du ghetto juif et le docteur Borromeo appliquait, de façon stricte, ses convictions religieuses : un véritable chrétien pour qui « il n’existe qu’une seule race, la race humaine ».

A partir de 1943, l’armée allemande, commandée par le Colonel Kesselring, occupe l’Italie, et entre dans Rome le 8 septembre. L’ordre sera dès lors maintenu par les S.S. que dirige Herbert Kappler. Entre autres, Kappler a destitué Vittorio Sacerdotti de son poste à la direction d’un hôpital parce qu’il est juif. Sacerdotti fait appel à Borromeo qui l’engage aussitôt comme médecin responsable dans son hôpital. Pour Borromeo, peu importe que Sacerdotti soit juif : c’est un excellent médecin.

Cet hôpital, paisible et aux allures si traditionnelles, est en fait, un lieu de résistance. L’un des médecins, le psychiatre Adriano Ossicini est antifasciste : il sera arrêté et torturé par les nazis sans jamais révéler que, dans les sous-sols de l’hôpital, se trouve une radio clandestine.

En 1943, les nazis réclament aux juifs de Rome une rançon de cinquante kilos d’or pour les protéger.

En réalité, il s’agit d’un moyen détourné pour les recenser et obtenir leur identité. Le 16 octobre, Kappler lance une grande rafle dans le ghetto juif. La communauté juive sait qu’au Fatebenefratelli se trouve un Juste qui les aidera : ils sont nombreux, peut-être une centaine, à se présenter aux portes de l’hôpital.

Mais, bien sûr, les nazis veillent. Alors, Giovanni Borromeo, Vittorio Sacerdotti et Adriano Ossicini ont une idée de génie : ils inventent de toute pièce une terrible maladie, neuro-dégénérative, extrêmement contagieuse et dont les symptômes premiers sont une toux importante et une forte température. C’est ainsi que naît, dans l’urgence, sans avoir même informé le Vatican — dont dépendait directement le Fatebenefratelli — le « syndrome K » qui, en réalité, n’a jamais existé.

Nul ne se souvient très bien de l’origine du nom. Sans doute, l’un des juifs venu se réfugier, lorsque le médecin cherchait en vain chez lui les symptômes d’une quelconque maladie, lui aurait dit : « Je souffre du syndrome Kappler ! », allusion au colonel de la S.S. C’est ainsi qu’il naquit, ce fameux « symptôme K » : K comme Kappler ; K comme Kesselring ; et puis K aussi comme Kock qui, en allemand, signifie « tumeur ».

Savaient-ils, ces médecins géniaux, qu’ils auraient fait plaisir à Franz Kafka en intitulant ainsi le syndrome imaginaire destiné à sauver des vies innocentes ?

C’est une histoire presque trop belle pour être vraie. Lorsque les nazis, qui finalement doutaient quand même de ce syndrome, vinrent perquisitionner, leurs camions se perdirent dans les petites rues de Rome et laissèrent ainsi une demi-heure supplémentaire aux dirigeants de l’hôpital pour jeter dans le fleuve la radio clandestine qui, si elle avait été découverte, aurait signifié leur mort immédiate.

L’Histoire, parfois, est ainsi faite de petites coïncidences, de menus hasards, qui feraient croire en D.ieu et en la bonté humaine. La bonté, du moins, de certains hommes.

« Il n’existe qu’une seule race, la race humaine. »

Le syndrome K, de Stephen Edwards.

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