« Tempête en juin » et « Suite française » : Irène Nemirovsky s’invite sur les planches

Présenté en 2018 et 2019 au théâtre du Balcon dans le cadre du festival OFF d’Avignon, « Suite Française » arrive sur les planches parisiennes en ayant déjà largement gagné ses lettres de noblesse, puisque la pièce affichait complet à chacune de ses représentations dans la Cité des Papes.

Écrit entre 1940 et 1942 par l’auteure d’origine russe Irène Nemirovsky, Suite française n’était pas qu’un roman, mais devait être une grande fresque littéraire à la Guerre et paix, composée de cinq volumes. L’Histoire en décidera autrement, et seuls les deux premiers tomes nous sont aujourd’hui parvenus : Tempête en juin et Suite française, le troisième, Captivité, restant quant à lui inachevé.

« J’écris sur de la lave brûlante » dira Irène Nemirovsky, tandis qu’elle rédige Suite française, qui apparaît aujourd’hui comme un bouleversant témoignage empli de désespoir et de tristesse, dans une France aux mains de l’occupant allemand.

Tempête en juin, composant le premier volet de Suite française, débute le 3 juin 1940 et s’ouvre sur l’exode de milliers de parisiens fuyant la capitale pour échapper au pillage.

Dans un incroyable désordre, on croise la famille Pérican, en route vers Nîmes et qui, bien qu’il eut été préférable de n’emporter que le minimum, se déplace avec argenterie et domestiques ; Gabriel Cortet, auteur suffisant et imbu de lui-même, persuadé d’être connu — et reconnu — de tous, et qui voyage en compagnie de sa maîtresse Florence ; ou encore la danseuse Arlette Corail, un brin vulgaire et à la gouaille toute parisienne…

Jetés sur les routes bondées menant vers le sud, une quarantaine de personnages vont vivre cette fuite de manière aussi différente que l’issue est incertaine.

Création originale présentée pour la toute première fois, Tempête en juin est un seul en scène porté par Franck Desmedt, Molière 2018 pour son rôle d’Otto Abetz dans Adieu Monsieur Haffmann, et qui livre ici une prestation impressionnante et débordante d’aplomb et d’énergie.

Quant à Dolce, la seconde partie, elle succède donc chronologiquement à Tempête en juin et prend place dans une France récemment conquise. Dans le petit village de Bussy, Madame Angellier, propriétaire d’une maison cossue, vit avec Marthe, sa servante, et Lucile, l’épouse de son fils parti au front. Austère, pingre et profondément amère vis-à-vis du « conquérant » pour lequel elle n’éprouve que de la rancœur, c’est avec un mépris à peine masqué qu’elle se verra contrainte d’accueillir chez elle l’officier Bruno von Folk, commandant des troupes allemandes dans la région.

Poli, courtois et qui plus est fort séduisant, ce dernier ne tarder pas à éveiller chez la jeune Lucile, que l’union arrangée avec un mari infidèle n’a  jamais contenté, des sentiments que cette époque troublée ne peut que désapprouver.

Ces deux adaptations, pour la première fois portées sur les planches, suivent rigoureusement le déroulé du roman original et explorent avec un brin d’humour les tréfonds de l’âme humaine en période d’occupation.

Habilement mis en scène par Virginie Lemoine, Suite française, à l’instar de Tempête en juin, livre aux spectateurs des protagonistes hauts en couleurs, campés par des comédiens de haut-vol : Florence Pernel incarne une Lucile Angellier aussi élégante et discrète que sa belle-mère, interprétée par Béatrice Agenin, est austère et désagréable. Quant à Guilaine Londez, Madame de Montmort, l’épouse du maire, et Emmanuelle Bougerol, la bonne à tout faire avec son franc-parler rural, leur présence et leur jeu apportent un bol de fraîcheur et d’humour bienvenus dans ce pesant climat de défiance et de gêne.

« Nous avions à cœur d’adapter au théâtre les deux tomes de Suite française. Bien que deux récits indépendants, ils ne constituent qu’un seul et unique témoignage pris sur le vif, celui de la France déchirée des années de guerre. »

Virginie Lemoine, metteure en scène.

Née à Kiev en 1903 mais ayant toujours été bercée dans la culture française et dans l’ignorance de de la culture juive, Irène Nemirovsky grandit entre un père absent et une mère en perpétuelle quête d’amants, qu’elle n’aimera jamais. Elle la caricatura d’ailleurs dans son roman Le bal, porté sur scène en 2017 au théâtre Rive Gauche. Une pièce dont la mise en scène était déjà signée Virginie Lemoine.

Arrivée en France en 1919, Irène Nemirovsky épouse Michel Epstein avec qui elle aura deux filles, Denise et Elisabeth.

Sa naturalisation française étant sans cesse repoussée, et comme pressentant le malheur qui allait s’abattre sur eux, la famille décide de se convertir au catholicisme en 1939. Inutilement…

Irène Nemirovsky et son mari seront arrêtés et déportés à Auschwitz en juillet et octobre 1942, d’où ils ne reviendront pas. Leurs filles, réfugiées quant à elles dans le village d’Issy-L’Evêque, seront épargnées, et permettront des années plus tard à Suite française de sortir de l’oubli.

Couronné d’un Prix Renaudot en 2004, Suite française est le second roman le plus vendu d’Irène Nemirovsky après David Golder, publié en 1929.

Histoire, amour, humour, trahison… Tous les ingrédients sont ici réunis pour passer un vrai bon moment de théâtre. A découvrir sans attendre !

Tempête en juin et Suite française, à partir du 10 septembre au théâtre La Bruyère.

Si vous désirez aller plus loin :

Suite française, d’Irène Némirovsky, aux éditions Folio. 576 pages. 10,20€.
La vie d’Irène Némirovsky, de Patrick Lienhardt et Olivier Philipponnat, aux éditions Livre de Poche. 672 pages. 7,90€.

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