« L’invention de nos vies » : de la banlieue parisienne à Manhattan, la vie rêvée de Samir…

Loin de sa banlieue, Samir Tahar devient un brillant avocat dans un grand cabinet new-yorkais. Il a tous les signes extérieurs de richesse, deux enfants et une femme merveilleuse, fille de Rahm Berg, l’un des hommes les plus riches des États-Unis.

Son problème est qu’il a renié ses origines musulmanes, et a volé l’histoire de son ami d’enfance, Samuel, juif et écrivain raté, adopté par deux intellectuels devenus juifs orthodoxes. Ceci dans l’unique but de réussir, de briller.

Mais Samir est rattrapé par son passé, par ce tout petit mensonge devenu une énorme imposture. On assiste à une descente aux enfers que nous livre Karine Tuil dans son dernier livre, foisonnant et digne des grands romans sociaux américains : L’invention de nos vies.

L’auteure y raconte d’une manière magistrale jusqu’à quel point un homme est capable d’aller pour réussir, enchaînant mensonge sur mensonge.

L’invention de nos vies se lit d’une traite ! Et la dernière page fermée, on ne veut pas, on ne peut pas quitter Samir ainsi. On imagine une suite.

Au travers de son héros, L’invention de nos vies est une réflexion sur le goût du pouvoir et de l’argent, de la renommée, sur notre société qui ne fait aucun cadeau, peuplée de gens de plus en plus individualistes, de plus en plus matérialistes. Il faut réussir. A tout prix. Se faire « une place au soleil », avoir une situation, une belle voiture, une belle maison, de beaux enfants…

Ce n’est pourtant pas ce que désirait Sam, le séducteur fragile, fougueux et amoureux. Il voulait juste un job ! Et en décrivant la violence sociale des cités, Karine Tuil s’approche du roman réaliste. Elle évoque les « tournantes » telles que décrites par Samira Bellil dans L’enfer des tournantes. Elle ouvre les yeux des lecteurs sur les atrocités qui se passent ici ou là mais qui sont peu écrites, voire banalisées.

L’invention de nos vies est en quelque sorte une manière d’informer les jeunes et les parents sur la violence des quartiers, les agressions sexuelles, la femme toujours violentée, moralement ou physiquement.

Elle emprunte les paroles de la chanson d’Orelsan qui fit scandale et fut interdite, comme pour mieux nous montrer l’horreur de cette banalisation. A force de détails, Karine Tuil creuse la personnalité de ses personnages. On s’y attache, on les déteste. Au fil des pages, on se demande : « Que va-t-elle encore nous réserver ? » Et chaque page est un rebondissement.

Mais L’invention de nos vies est aussi un roman sur l’amitié au travers de Pierre Lévy, qui représente la voix de la raison, de l’espoir, de l’optimisme. Il est une invitation à briser nos chaînes, à penser autrement, à prendre du recul par rapport à ce que la société exige de nous, à ne pas s’enfermer dans des schémas de pensée. On y est questionné sans cesse sur l’importance de connaître ses origines, sa famille, le besoin de se sentir accepté, de faire partie d’une communauté et d’y avoir sa place.

Samir aime les réunions du vendredi soir, il aime la solidarité qu’il a trouvé dans la famille de son épouse. Tout comme François d’ailleurs, son demi-frère qui, lui, trouve une famille dans un réseau djihadiste.

Est-ce que les réunions familiales, l’amour familial, seraient la solution à tous nos problèmes de société ?

L’invention de nos vies, de Karine Tuil, aux éditions Livre de Poche. 504 pages. 8,40€.

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