« The Gatekeepers », de Dror Moreh : après le succès du film, un livre préfacé par Élie Barnavi

Trois ans après sa sortie en salles, The Gatekeepers, le reportage de Dror Moreh nominé pour l’Oscar du Meilleur documentaire, sort aujourd’hui en livre dans le cadre de la Rentrée littéraire 2015.

Entre 1980 et 2011, Avraham Shalom, Yaakov Peri, Carmi Gillon, Ami Ayalon, Avi Dichter et Yuval Diskin se sont succédés à la tête du Shabak et ont eu à faire face à deux intifadas, au terrorisme palestinien, au terrorisme de l’extrême-droite juive, aux attentats suicide, à l’assassinat de Rabin.

Ils ont orchestré des assassinats ciblés, formé des informateurs, interrogé des terroristes, alimenté des banques de données, réfléchi au meilleur moyen de se débarrasser des têtes pensantes du terrorisme palestinien : téléphone portable piégé, largage de bombes d’une tonne ou d’un quart de tonne…

Tout ça pour quoi ? Ils admettent volontiers que tuer les chefs terroristes ne mène pas à moins de terrorisme : après l’assassinat de Cheikh Yassine, Nasrallah est apparu.

Tous sont d’accord pour affirmer qu’Israël n’a pas d’autre choix que le dialogue, avec tout le monde, insiste Avraham Shalom, même avec le Hamas, même avec Ahmadinedjad.

Mais on se souvient, et le documentaire le montre, que lorsque le Fatah de Yasser Arafat a accepté de renoncer au terrorisme, le Hamas est apparu, et le terrorisme n’a pas cessé. Ami Ayalon, en poste de 1996 à 2000, raconte qu’alors qu’il se trouve à Londres avec une délégation palestinienne, au plus fort de la deuxième intifada, un psychiatre palestinien lui dit que les Palestiniens ont vaincu. Et d’expliquer à un Ayalon interloqué que plus les Palestiniens souffrent, plus les Israéliens souffrent, et que ce que les Palestiniens veulent, c’est voir les Israéliens souffrir.

Dans ce cas, comment la paix est-elle possible ? Dror Moreh pose des questions dérangeantes à ces hommes fatigués, concernés, lucides : comment le Shin Bet n’a-t-il pas vu venir la première intifada ? Comment le Shin Bet n’a-t-il pas pu éviter l’assassinat d’Itzhak Rabin ? Ce à quoi ils nous répondent : qui a prévu la chute du mur de Berlin ? Et que Rabin, que Carmi Gillon suppliait d’accepter que sa sécurité soit renforcée et qu’il porte un gilet pare-balles, répondait qu’il était un ancien du Palmakh. Se sentait-il invincible ? Peut-être ne pouvait-il tout simplement pas croire qu’un Juif pourrait un jour tirer sur un autre Juif.

Il ressort de ce documentaire que le Shin Bet a fait des erreurs et que ses dirigeants les reconnaissent volontiers, que jamais on n’a vu autant de dirigeants d’un service de renseignements d’un pays se livrer si facilement et avec autant d’honnêteté face à une caméra, que depuis 1967 Israël mène une politique autodestructrice, car, comme le disait en substance et de manière prophétique Yéchayahou Leibowitz dès les débuts de l’occupation, un pays ne peut contrôler une population d’un million d’habitants sans y perdre son âme.

Quand on sait que c’est sur les conseils du Shin Bet qu’Ariel Sharon s’est retiré de Gaza, on ne comprend pas pourquoi, à l’époque, le même Shin Bet n’a pas eu le cran de conseiller aux dirigeants israéliens de cesser l’occupation.

Peut-être que le visage de ces quarante dernières années en Israël en aurait été changé.

Les sentinelles, de Dror Moreh, aux éditions Tempus Perrin. 576 pages. 11,00€.

Si vous désirez aller plus loin :

The Gatekeepers, de Dror Moreh, en DVD.

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