« Those Who Remained », de Barnabás Tóth : la reconstrution après les camps

Il y a ceux qui sont restés et puis il y a ceux qui sont rentrés, et dans la Hongrie de l’immédiate après-guerre, on tente, au mieux, de panser cette atroce blessure.

 Tout avait pourtant si bien commencé pour Aldo Körner, gynécologue de son état, et qui mettait au monde de si jolis enfants. Oui, mais c’était avant, et cet « avant » ne peut plus guère avoir aux lèvres qu’un goût de cendres et d’amertume. Il lui arrive parfois de relever sa manche de chemise et de laisser paraître des chiffres grossièrement tatoués.

Il est seul à présent, sans femme ni enfants, et travaille dans un orphelinat israélite. C’est là que viennent le consulter Olgi Wiener et sa nièce, orpheline qu’elle a recueillie, à présent à peine pubère, Klara. La gosse va se nouer d’amitié avec le veuf, au point de vouloir venir vivre chez lui et entamer avec lui une relation quasi filiale. La petite est intelligente mais fantasque, elle fait le désespoir de ses professeurs et n’aime guère ses congénères trop superficiels. Il faut dire aussi qu’on aurait besoin, à sa place, pour le moins d’être rassurée. « Le fait d’avoir peur ne fait pas de toi une prostituée » lui affirme Aldo. Et tous les deux, au jour le jour, maladroitement, tentent de se consoler l’un l’autre, même si, inévitablement, les fantômes peuplent leurs nuits et qu’il faut bien survivre, donc pactiser avec la douleur.

La gamine va jusqu’à se fantasmer la petite épouse du médecin qui, lui aussi, de son côté, éprouve quelques étranges et inhabituels troubles dans son quotidien de célibataire endurci par la rigueur des temps.

Mais ils vivent dans un univers aux allures dictatoriales, et l’on n’apprécie guère — que ce soit l’institution scolaire ou l’ombre du Parti — cette relation hors norme. Klara et Aldo doivent se défier en permanence, de tout et de tout le monde. On a déjà vu pour moins que ça des gens disparaître, qu’une descente de police enlevait en pleine nuit.

Enfin, la radio annonce la mort du camarade Staline. On pourra peut-être alors recoudre enfin le grand manteau du présent et remettre de l’ordre dans la chevelure des jours. Aldo a rencontré une femme charmante avec qui il envisage, à nouveau, de reconstruire un univers familial, et Klara fréquente un jeune homme de son âge. Tous réunis, avec la tante Olgi, ils peuvent lever leur verre « à ceux qui devraient être là, mais qui ne le sont pas ».

Those Who Remained, de Barnabás Tóth.

Si vous désirez aller plus loin :

Raoul Wallenberg : Sauver les Juifs de Hongrie, aux éditions Payot. 224 pages. 13,50€.
L’affaire Kasztner : Le Juif qui négocia avec Eichmann, de Ladislaus Löb, aux éditions André Versaille. 302 pages. 22,90€.
Journal d’une fille Juive : 2ème guerre mondiale. Hongrie 1941-1946, de Madeleine D. Lang. 182 pages. 14,89€.

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