« Tinghir-Jérusalem, les échos du Mellah », sur les pas des séfarades du Maghreb…

« Les échos du Mellah », documentaire que Kamal Hachkar dédie à ses parents et à ses grands-parents, est une invitation au voyage. Un voyage dans un cadre naturel époustouflant, celui des plateaux du Haut Atlas marocain, mais aussi un voyage bouleversant dans une Mémoire disparue.

Perchée dans la chaine montagneuse qui traverse le pays, la petite ville de Tinghir et les villages alentours comptaient jadis jusqu’à deux-cents communautés juives, dont certaines remontaient à près de deux millénaires. Sans doute parmi les plus anciennes du Maroc.

Parlant à la première personne — appuyant ainsi le fait que cette histoire dans laquelle il invite le spectateur est également « son » histoire —, Kamal Hachkar n’a que six mois lorsque ses parents décident de quitter le Maroc pour la France, en 1968. Mais tous les étés, il revient « au bled » pour les vacances.

Adolescent, la multitude de maisons vides et abandonnées de certains quartiers de Tinghir l’interpelle. Son grand-père lui raconte alors l’histoire des familles juives qui vivaient là, et qui seront plus 250.000 à quitter le pays dans les années 60 pour ne jamais y revenir.

De leur présence et de leur histoire ne restent plus aujourd’hui que quelques pierres tombales et un livre, Juifs parmi les Berbères, d’Elias Harrus, qui était loin de des douter à l’époque qu’il fixait pour la postérité les derniers moments de la vie judéo-berbère du Maroc.

Les profonds bouleversements du 20ème siècle — naissance du sionisme, Seconde Guerre Mondiale, Shoah, déclaration d’Indépendance de l’Etat d’Israël, colonisations et protectorats français en Afrique du Nord… — créeront un éloignement entre les deux communautés, et mettront un terme à des siècles de cohabitation.

Celle-ci lui paraissant tellement impossible en France, Kamal Hachkar a voulu savoir comment elle se passait à l’époque, comment Juifs et arabes avaient pu vivre ensemble si longtemps dans un esprit fraternel.

Les témoignages des « anciens » auxquels il est confronté varient. Si les uns reconnaissent que tous vivaient dans les mêmes quartiers, jouaient aux cartes, buvaient du thé ensemble et que « seul le bien les unissait« , d’autres laissent entendre que la règle du « chacun chez soi » était de mise, et que les uns et les autres ne se mêlaient pas. Mais une nostalgie à peine dissimulée a tôt fait de reparaitre, chacun reconnaissant à mots couverts regretter cette époque révolue.

Si le documentaire confronte deux opinions d’un point de vue marocain, il met aussi face-à-face deux sentiments au sein des Juifs désormais israéliens : ceux qui devaient venir en Israël, pour qui l’alyiah était une évidence et l’aboutissement de millénaires d’errance, et ceux qui n’y ont pas trouvé la Terre Promise attendue.

Du dédale de ruelles aux murs rouges jusqu’au kissariat, lieu de rencontre et point central de la ville où se trouvaient les commerces juifs, et jusqu’en Israël où aux quatre coins du pays il part à la rencontre de ces anciens Juifs berbères, en passant par la France et la Méditerranée, Kamal Hachkar fait renaître un passé oublié chargé d’une intense émotion.

Les témoignages recueillis sont émouvants, les réactions bouleversantes dès que ressurgissent certains noms de familles, certains noms de rues, certaines sonorités berbères que l’on comprend encore…

Les échos du Mellah est un voyage dans le passé, un voyage dans une histoire révolue, dans la mémoire nostalgique d’un Maroc pluriel. Magnifique !

Tinghir-Jérusalem, les échos du Mellah, de Kamal Hachkar, en DVD.

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