« Un tramway à Jérusalem » : l’hommage d’Amos Gitaï à la Ville sainte…

Sorti en salle au début de l’année 2019, le dernier film du très prolifique réalisateur israélien Amos Gitaï nous invite à embarquer pour un voyage à bord d’un transport qui, pourtant, n’inspire pas aux vacances : le tramway de Jérusalem. 

Inauguré en 2011 après avoir accumulé un retard de plusieurs années, le tramway de Jérusalem relie d’Ouest en Est le Mont Herzl à ‘Heil Ha-Avir au fil d’une vingtaine de stations.

On pourrait évoquer non pas d’une vingtaine de quartiers, mais plutôt une vingtaine de populations qui, malgré leurs divergences, se retrouvent et tentent de communiquer à bord de rames tantôt vides, tantôt bondées.

Si de prime abord les différences semblent plus nombreuses que les points communs, la promiscuité des rames contraint chacun à écouter son voisin, l’observer, le comprendre parfois… Que l’on s’apprécie ou non, le tramway s’impose comme moyen de socialisation et de communication.

Dire qu’il pourrait être un acteur de paix dans la région serait quelque peu présomptueux, considérant cette mixité de populations prétendant ne pas se comprendre, mais il n’en demeure pas moins que, d’une certaine manière, le tramway œuvre en faveur d’une meilleure compréhension de l’autre. D’une certaine tolérance.

« Mes plateaux de tournage sont souvent des lieux de rencontre pour des personnes d’origines différentes. C’est aussi le cas d’Un tramway à Jérusalem : des actrices et des acteurs israéliens, palestiniens et européens se sont retrouvés dans ce tramway qui traverse Jérusalem. Travailler avec la chanteuse israélienne Noa, l’acteur italien Pippo Delbono et l’acteur français Mathieu Amalric m’a permis d’enrichir encore cette mosaïque de parcours et de sensibilités qui coexistent dans le film. »

Amos Gitaï, réalisateur.

Et ce n’est pas pour rien qu’Amos Gitaï a choisi la chanteuse Noa pour ouvrir la première scène d’Un tramway à Jérusalem. Militante pour la paix entre israéliens et palestiniens, chanteuse à la renommée internationale — elle a représenté Israël au Concours Eurovision de la Chanson 2009 en chantant en duo avec la chanteuse palestinienne Mira Awad —, elle  partage les mêmes opinions que le réalisateur.

Tourné en huis-clos à l’intérieur des rames — avec des vues de Jérusalem au travers des fenêtres, n’oublions pas qu’Amos Gitaï est avant tout un ancien étudiant en architecture —, on fait tour à tour connaissance avec un touriste français, interprété par Mathieu Amalric, et son fils, à qui il lit un texte de Flaubert, un prêtre incarné par l’acteur italien Pippo Delbono, des religieux commentant des passages de la Torah, des supporters du Beitar Jerusalem plongeant les passagers dans une ambiance survoltée, d’inévitables marieuses, des communistes nostalgiques de Trotski, des musiciens… 

« […] j’ai toujours admiré le travail de Mathieu [Amalric NDLR] en tant qu’acteur et réalisateur. Lorsque je l’ai invité à venir à Jérusalem avec son fils Elias pour jouer le rôle du touriste lisant un texte de Gustave Flaubert sur Jérusalem, proposé par ma coscénariste Marie-José Sanselme, il a immédiatement accepté. Ce texte offre un contrepoint laïque et critique à la religion qui imprègne Jérusalem depuis très longtemps. »

Amos Gitaï, réalisateur.

Que l’on soit idéaliste, fataliste, nostalgique, que l’on parle hébreu, arabe, anglais, russe ou même ladino, il apparaît que la vie des quelques 130.000 passagers quotidiens du tramway de Jérusalem n’y est pas différente de celle des autres pays : les divisions, surtout religieuses et politiques, y sont identiques. Seulement plus exacerbées.

Malgré de nombreux incidents et attentats, ce tramway pourrait être le symbole qu’une coexistence pacifique existe. Il est aujourd’hui un vecteur de communication essentiel, et un élément d’appartenance collective à un monde que tout semble diviser.

Au cours de ses quarante ans de carrière en tant que réalisateur, Amos Gitaï a signé plus de quatre-vingt films. Sept d’entre eux ont été présentés en compétition officielle au Festival de Cannes ou à la Mostra de Venise, comme ce fut le cas en septembre 2018 pour Un tramway à Jérusalem.

Un tramway à Jérusalem, d’Amos Gitaï. Disponible en DVD le 18 octobre 2022 chez Epicentre Films.

Si vous désirez aller plus loin :

Laila in Haifa, d’Amos Gitaï. DVD. 99 minutes.
Amos Gitai – Yitzhak Rabin. Chroniques d’un assassinat, ouvrage collectif aux éditions Gallimard. 240 pages. 26,00€.
Amos Gitai. Genèses, d’Amos Gitai, Jean-Michel Frodon et Marie-José Sanselme, aux éditions Gallimard. 400 pages. 30,00€.
Le dernier jour d’Yitzhak Rabin, d’Amos Gitaï. DVD. 153 minutes.
Yitzhak Rabin. Chronique d’un assassinat, d’Amos Gitaï. DVD. 92 minutes.
Territoires (coffret 3 DVD), d’Amos Gitaï. Coffret 3 DVD. 480 minutes.
L’Exil (coffret 3 DVD), d’Amos Gitaï. Coffret 3 DVD. 300 minutes.

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