« Une petite fille privilégiée » : la vie de Francine Christophe sur les planches du Lucernaire

Francine Christophe a six ans lorsqu’elle est arrachée à l’insouciance de l’enfance. Quand la Seconde Guerre Mondiale éclate, son père est envoyé au front, et fait prisonnier.

Si la petite fille et sa mère acquièrent alors, grâce à la Convention de Genève, le statut d’épouse et d’enfant de prisonnier de guerre, les rendant théoriquement « indéportables », elles vivront cependant les années noires et l’horreur des camps.

Arrêtées le 26 juillet 1942 à la gare de La Rochefoucauld, elles sont conduites à la prison d’Angoulême, puis au camp de Poitiers où sont détenus Juifs et tsiganes. Après quatre jours de voyage dans des wagons plombés, elles arrivent à Drancy en août 1942. Drancy, le camp-modèle, la « ville » où avocats, commerçants, artistes et premiers prix de Conservatoire tutoient la maladie et la mort. Drancy, antichambre de l’enfer. Francine Christophe y oublie jusqu’à son âge.

Puis ce sont les camps de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande, sorte de halte, de repos dans le tumulte.

Retour à Drancy. Leur statut ne les protège désormais plus. Avec 150 autres femmes et enfants, elles sont embarquées dans un train, direction l’Est, et le camp de Bergen-Belsen. Cheminées qui fument, odeurs de chairs brûlées, faim et typhus. La chaleur étouffante de l’été, le froid implacable de l’hiver, les heures d’attente collective et d’inspection au garde-à-vous sur la place d’appel auront raison de milliers de vies. Des cadavres que l’on enjambe sans plus y porter attention. De simples obstacles.

En pleine débâcle avec l’approche des Alliés, l’armée allemande évacue Bergen-Belsen. Sur les 2.500 personnes qui quitteront le camp, seules 1.000 arriveront à Tröbitz, finalement libérée par l’armée russe en avril 1945. Deux mois plus tard, c’est ensemble que la famille regagne Paris et l’hôtel Lutetia. Francine Christophe réapprend à vivre, se réintègre, se marie…

Une petite fille privilégiée, écrit en 1967 à une époque où l’on ne voulait pas entendre parler de la Shoah, sera refusé par bon nombre d’éditeurs, et publié seulement trente ans plus tard.

Sur la scène du théâtre Lucernaire, Magali Hélias porte la voix de Francine Christophe avec une grande émotion, et une palette de sentiments allant de l’humour à l’horreur. Une interprétation qui « ne trahit pas » l’auteure selon les dires de cette dernière. Un décor constitué de tissus peints à la cendre, une couleur fidèle à celle dont se souviennent les derniers témoins, et dans laquelle la tenue de la comédienne semble se perdre.

Déshumanisation d’un être qui finit par disparaitre, et d’un simple tabouret. Mais quel tabouret ! A leur retour en France, les milliers de déportés, spoliés de tout, reçurent de l’Etat quelques meubles pour aider à leur réintégration. Francine Christophe n’en a gardé aucun, à l’exception d’un tabouret. Ce tabouret.

Une petite fille privilégiée, actuellement et jusqu’au 26 avril au théâtre Lucernaire.

Si vous désirez aller plus loin :

Une petite fille privilégiée, de Francine Christophe, aux éditions Pocket. 224 pages. 5,95€.

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