Si Chagall, Soutine Modigliani. Paris pour école a été reportée au printemps 2021, le Musée d’Art et du Judaïsme propose actuellement depuis fin juin une superbe exposition à la saveur exotique et ancestrale, sur les pas de communautés disparues : « Juifs du Maroc, 1934-1937. Photographies de Jean Besancenot ».
Certes, le nom de l’artiste reste méconnu, mais le témoignage photographique de Jean Besancenot, réalisé au cours de ses trois séjours à travers le Maroc, constitue encore aujourd’hui un véritable inventaire quasi-exhaustif du patrimoine vestimentaire des communautés juives marocaines. Son ouvrage Costumes du Maroc, publié en 1942 et réédité en 1988, est d’ailleurs toujours disponible et fait figure de référence.
L’exposition présente ici la quasi-totalité des tirages de cette période, conservés à l’Institut du Monde Arabe – à qui Jean Besancenot a donné ses archives en 1984 -, au Musée du Quai Branly – Jacques Chirac, au Musée Berbère de Marrakech, ainsi qu’au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme et dans des collections privées.
Peintre et élève à l’Ecole nationale des arts décoratifs de Paris de 1917 à 1922, il se passionne très tôt pour les vêtements et se lance dans la photo en quelques sortes pour documenter ses toiles. De 1934 à 1936, il effectuera donc trois séjours dans le royaume alaouite. Là, il immortalise sur la pellicule des dizaines d’hommes et de femmes des communautés berbères et juives, mais réalise aussi quantité de dessins dont certains sont présentés en regard des clichés noir et blanc à partir desquels ils ont été réalisés.
“En 1935, je suis l’un des premiers français à pénétrer dans le Tafilalet, où j’ai pu descendre la vallée du Ziz, jusqu’à Erfoud et Rissani, point le plus au sud de la palmeraie présaharienne. Là, au coeur du Tafilalet, j’allais avoir le privilège de trouver une population préservée des influences extérieures.
Jean Besancenot.
Erfoud était un carrefour commercial important où les commerçants juifs jouaient un rôle actif. À l’époque où j’arrive, le mellah est encore très vivant”.
L’un des choses les plus frappantes lorsque l’on découvre cette émouvante exposition est probablement la nostalgie, ou la tristesse peut-être, qui se dessine sur ces centaines de visages. N’oublions pas que nous sommes ici sous protectorat français depuis 1912, et c’est encadré par l’armée que Jean Besancenot arrive dans ces régions et ces villages parfois très retirés : Tafilalet, la vallée du Dadès ou du Todgha, Souss, la vallée du Draa… Difficile par conséquent d’espérer tisser un lien serein avec les autochtones. De plus la majeure partie des habitants n’a jamais même encore jamais vu d’images. Alors une photographie, pensez donc…
Au fil de ces dizaines de photographies, dessins, lettres, extrait audio ou témoignage vidéo, ce sont des siècles d’histoire et de tradition à jamais perdus qui défilent devant nous. Un travail de longue haleine et qui aura permis, après maintes recherches, de poser parfois un nom sur des modèles anonymes, ou de faire ressurgir de belles histoires familiales du passé, comme en témoigne Hannah Assouline, co-commissaire de l’exposition, dans l’extrait vidéo de huit minutes “Comment j’ai retrouvé mon père”. Et le père de Hannah Assouline, Messaoud, élève de Baba Salé à Erfoud puis rabbin de la synagogue de la rue du Bourg-Tibourg, est ce petit garçon que l’on découvre pieds nus, en costume de marié, au côté de Sarah Abehaserra.
Avec la création de l’État d’Israël en 1948, mais surtout dans le prolongement de la Guerre des Six Jours, des dizaines de milliers de Juifs vont quitter le Maroc, mettant ainsi un terme à des siècles d’une cohabitation exemplaire. Jean Besancenot s’éteint le 27 juin 1992.
Juifs du Maroc, 1934-1937. Photographies de Jean Besancenot, jusqu’au 2 mai 2021 au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme.
Je voudrai retrouver l’interview d’une dame qui a parlé de la photographie prise à Erfoud. Photographie de Messaoud Assouline et de Sarah Abehassera.
Je voudrai l’intègrerions à une présentation à Genève.