« Chagall, Modigliani, Soutine… Paris pour école. 1905-1940 », au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme

Après un report d’une année en raison de la pandémie, la nouvelle (et très attendue) exposition du Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme a enfin ouvert ses portes au public le 3 juin dernier.

Avec plus de 130 œuvres, Chagall, Modigliani, Soutine… Paris pour école. 1905-1940 met en lumière toute une génération d’artistes juifs, dont un grand nombre d’étrangers fuyant misère et persécutions, et arrivés dans la capitale française à partir de 1900.

Et c’est bien cette omniprésence juive et internationale dans le secteur de l’art — artistes, mais aussi marchands et critiques… —, qui va conduire le Salon des Indépendants de 1924, présidé par Paul Signac, à présenter les artistes non plus par ordre alphabétique, mais par pays. Les étrangers sont stigmatisés, relégués dans des salles spécifiques, et la presse s’enflamme, ne manquant pas de mettre en avant une certaine « jalousie » des artistes français à l’égard de leurs homologues… et surtout de leur réussite. Un débat qui ne manquera pas non plus d’ouvrir un nouveau front antisémite, comme le Mercure de France qui s’interroge : « Existe-t-il une peinture juive ? »

« Peut-on considérer comme indésirable l’artiste pour qui Paris est la Terre promise, la terre bénie des peintres et des sculpteurs ? »

Extrait de l’article d’André Warnod dans Comœdia, 1925.

Apparaît alors le terme générique « Ecole de Paris », qualifiant le microcosme artistique et cosmopolite du quartier de Montmartre d’abord, avec entre autres le fameux Bateau-Lavoir, puis de Montparnasse à partir de l’entre-deux guerres, où quelque deux cents artistes vont se partager cent quarante ateliers à La Ruche, construite par Gustave Eiffel.

Là encore, la présence juive prédomine, à tel point que le yiddish devient la langue commune de la cité d’artistes. A Montparnasse, du Dôme à la Rotonde on croise Ernest Hemingway, Marc Chagall, Ossip Zadkine, Michel Kikoïne, Haïm Soutine, Max Jacob, Guillaume Apollinaire, Waldemar George, considéré comme l’un des critiques les plus influents de l’époque, André Salmon, sans oublier celui que l’on surnomme « le prince de Montparnasse », Jules Pascin, de toutes les fêtes et de tous les bals.

« Nous étions toute une génération, des enfants du ‘heder jusqu’aux étudiants talmudistes, épuisés par tant d’années à la seule analyse des textes. Nous emparant de crayons et de pinceaux, nous avons commencé à disséquer la nature, mais aussi à nous disséquer. Qui étions-nous ? Quelle était notre place parmi les nations ? Qu’en était-il de notre culture ? A quoi devait ressembler notre art ? Tout cela s’ébaucha dans quelques villes de Lituanie, de Russie blanche et d’Ukraine pour se prolonger à Paris. »

Ed Lissitsky, Rimon-Milgroïm n°3, Berlin 1923.

Mais, tout comme le premier conflit mondial avait mené à son déclin le quartier de Montmartre, les années 40 vont de nouveau mettre un terme à cette effervescence artistique exceptionnelle et unique au monde. Avec l’Occupation d’une partie de la France et le statut des juifs sur les « ressortissants étrangers de race juive », de nombreux artistes quittent Paris pour fuir vers le Sud ou l’étranger. Leur rêve d’une vie meilleure en France venait de s’achever subitement, et pour ceux qui n’avaient pu réussir à fuir va alors commencer la cauchemar ; ils seront les premiers à être arrêtés puis déportés vers les camps d’extermination.

C’en était définitivement fini de l’École de Paris.

Réalisée grâce aux prêts généreux de collectionneurs privés et d’institutions prestigieuses — Centre Pompidou, Musée d’Art Moderne de Paris, Musée de l’Orangerie, Musée d’Israël à Jérusalem, Petit Palais de Genève… —, Chagall, Modigliani, Soutine… Paris pour école. 1905-1940 se pose définitivement en exposition-événement de l’été à Paris !

Certes, les plus grands noms de cette période sont mis à l’honneur, mais il est important de préciser que nombreux autres artistes, peut-être moins emblématiques, occupent au sein de l’exposition une place à la hauteur de celle qui était la leur à l’époque : Sonia Delaunay, dont la Prose du Transsibérien, réalisée avec Blaise Cendrars en hommage à Ossip Zadkine, est présentée ; Moïse Kisling, qui livre avec sa magnifique Femme au châle polonais l’un de ses plus beaux et lumineux portraits ; Jules Pascin et son portrait d’Alfred Fleichtheim en toréador — Pascin qui, au même titre que Modigliani entre autre, présentera sa toute première exposition parisienne à la galerie Berthe Weill — ; le Dancing de Lou-Albert Lasard ; Georges Kars et sa Femme au châle gris

Hasard du calendrier culturel (ou peut-être pas…), une seconde exposition se fait l’écho de Chagall, Modigliani, Soutine… Paris pour école. 1905-1940 : Hersh Fenster et le shtetl perdu de Montparnasse.

Dans une Europe ravagée par cinq années de guerre mondiale, le journaliste et écrivain de langue yiddish Hersh Fenster décide de rendre hommage à 84 artistes juifs, dont un grand nombre fut arrêté, déporté, et assassiné dans les camps de la mort nazis.

Débuté en 1946 et publié en 1951 en toute confidentialité, Undzere farpaynikte kinster fut tiré à 375 exemplaires, en yiddish. Autant dire qu’il s’agissait-là d’un ouvrage plus que confidentiel, connu des seuls initiés. Préfacé par Marc Chagall, qui livre un poème aux allures de stèle funéraire, Undzere farpaynikte kinster est un ultime hommage à un « yiddishland montparnassien » disparu.

Dans le cadre cette exposition et grâce au concours de la Maison de la Culture Yiddish, cet ouvrage est aujourd’hui traduit en langue française, et disponible sous le titre Nos artistes martyrs. Au fil de ses quelque 300 pages, on (re)découvre des artistes tels qu’Étienne Farkas, Jules Gordon, Jacques Gotko, Samuel Granovsky, Jane Lévy, Jacob Macznik, Abraham Weinbaum, Jules Adler, à qui le Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme avait consacré une très belle exposition fin 2019, ou encore Otto Freundlich, qui lui aussi avait l’objet d’une exposition début 2020 au Musée de Montmartre.

Deux rendez-vous autour de l’école de Paris à découvrir sans attendre !

Chagall, Modigliani, Soutine… Paris pour école. 1905-1940 jusqu’au 31 octobre 2021, et Hersh Fenster et le shtetl perdu de Montparnasse jusqu’au 10 octobre 2021 au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme.

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1 commentaire sur « Chagall, Modigliani, Soutine… Paris pour école. 1905-1940 », au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme

  1. Tres interessante, mais je peu dire que c’est une incomplete histoire.
    Je peu dire ce que Modigliani a ecrit dans les tableaux. Quand je parle de ca c’est ce que j’ai ècrit dans mon livre et fotografato dans les tableau. Je parle de Geometrie sacre, de Caballah, de Talmud, de Cosmologie, de Magie. Toys Ca’ Modigliani a studio et representee. Le hiddish èst la langue avec laquelle Modigliani ècrit. Le symbolisme n’est pas facile a traduire. J’ai essaye. Nous avons maintenant un nouveau DNA de l’artiste, qui n’a Jamais terminee de Parler avec nous.
    Je voudrais bien vous montrer ce que j’ai fotografato e ricalcato.
    Buona serata
    Roberta Purgatori
    Roma

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