Jonas Netter. Pour de nombreuses personnes, ce nom peut ne rien évoquer. Cependant, même s’il est bien moins fameux que le parisien Paul Guillaume ou l’américain Albert Barnes, cet amateur d’art fort discret possédait au début du 19ème siècle une des plus impressionnantes collections de tableaux, composée pour l’essentiel de Modigliani, de Soutine, et d’Utrillo.
Il n’est pas prétentieux de penser que sans son amour immodéré pour la peinture, les noms de ces illustres représentants de l’histoire de l’art auraient bel et bien pu rester méconnus.
Fils d’un riche représentant alsacien, Jonas Netter arrive à Paris avec son père en 1872, alors qu’il n’a que quatre ans. Il commence à se passionner très tôt pour l’art, et plus particulièrement pour les impressionnistes qu’il découvre dans les musées et galeries de la capitale. Malheureusement, à cette époque les grands noms de ce courant sont déjà très connus, et donc… très côtés. Jonas Netter ne peut s’offrir leurs toiles et s’oriente donc vers des artistes moins fameux, et financièrement abordables.
Par le biais de Léopold Borowski, un marchand d’art d’origine polonaise, il acquiert son tout premier tableau de Modigliani et deviendra par la même occasion, avec Paul Alexandre, l’un des premiers acheteurs du peintre italien arrivé à Paris en 1906. Il découvre également la peinture de ‘Haïm Soutine, qui le bouleverse autant qu’elle le fascine, ainsi que celle de Maurice Utrillo, alors dans sa « période blanche ».
Malgré les vives critiques des membres de sa famille et de ses amis, qui considèrent ces toiles comme des « horreurs », il en achètera par dizaines au point de se retrouver, au début des Années Folles, à la tête d’une collection composée d’une quarantaine de Soutine, et plus de cent Modigliani. Il allouera d’ailleurs à ce dernier une rente de quinze francs par jour, paiera le loyer de son appartement ainsi que toutes ses fournitures artistiques pour garder l’exclusivité de sa production.
Lorsqu’éclate la Seconde Guerre mondiale, Jonas Netter choisit de ne pas quitter Paris mais est contraint, en tant que Juif, à vivre dans la clandestinité avec de faux papiers. Il ne survivra à la fin du conflit que quelques mois, décédant en 1946.
Du 4 avril au 9 septembre 2012, la Pinacothèque de Paris présente pour la première fois plus de cent œuvres ayant appartenu à Jonas Netter, reconstituant ainsi sa collection presque à l’identique de ce qu’elle était au siècle dernier. Au côté de ‘Haïm Soutine, Moïse Kisling ou Maurice Utrillo, le visiteur pourra également admirer de nombreux Modigliani, dont certains exposés pour la première fois depuis les années 30, tel le magnifique portrait de Jeanne Hébuterne au henné, compagne de l’artiste qui pose pour lui alors qu’elle est enceinte. Quelques mois après avoir achevé cette œuvre, Modigliani sera emporté par une méningite. Quant à Jeanne Hébuterne, inconsolable et sur le point d’accoucher, elle se suicide deux jours plus tard.
Modigliani, Soutine, et l’aventure de Montparnasse à la Pinacothèque de Paris, du 4 avril au 9 septembre 2012. Tarifs, horaires et réservations sur le site de la Pinacothèque de Paris.
Si vous désirez aller plus loin :
Montparnasse, les lieux de légende, d’Olivier Renault, aux éditions Parigramme. 207 pages. 19,90€.
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