« La femme au tableau », de Simon Curtis : un procès historique pour restitution

Quand la nuit tombe, c’est avec les bougies du passé que Maria Altmann éclaire ses songes.

Autriche, 1907. Un tableau, une femme, un regard aussi précieux que de l’or… Celui de sa tante, Adèle Bloch-Bauer, peinte par Klimt.

Peintre emblématique de l’Art Nouveau de Vienne, Gustav Klimt était connu pour la beauté saisissante de ses oeuvres. Dans son portrait immaculé d’or, il représente la tante de Maria en reine égyptienne, parée de bijoux.

Personnalités incontournables de la communauté juive de la capitale, les Bloch-Bauer étaient de riches mécènes dans le domaine des arts.

Adèle et son époux Ferdinand attiraient de célèbres personnalités. Souffrante, la jeune femme a légué à son mari par testament les oeuvres de Klimt en lui précisant qu’elles soient offertes au Musée du Belvédère après le décès de son époux. En 1925, une méningite emporte Adèle. Lorsque les nazis arrivent dans le pays en 1938, Ferdinand Bloch-Bauer a fui, sans pouvoir emporter le célèbre tableau de son épouse.

Malgré le testament de Ferdinand indiquant sa volonté de faire de son neveu et de ses nièces les héritiers légitimes, le Portrait d’Adele Bloch-Bauer I s’est retrouvé au Belvédère, confisqué par le IIIe Reich.

Californie, 1998. Randol Schoenberg, jeune avocat de Los Angeles, rencontre une septuagénaire excentrique. Ce dernier est loin de se douter de ce qui l’attend.

Il se voit confier une mission des plus improbables : aider la vieille dame à récupérer cinq tableaux appartenant à sa famille. Cependant, il ne s’agit pas de n’importe quelles oeuvres. Il est notamment question de la Dame en Or de Gustav Klimt, exposé au Musée du Belvédère, en Autriche. Ce même tableau évalué entre 150 et 200 millions d’euros !

D’abord sceptique, le jeune avocat se laisse convaincre par Maria Altmann et l’appât du gain. Néanmoins, l’Autriche n’entend pas rendre ce chef d’oeuvre, devenu un symbole national, à sa propriétaire légitime.

C’est alors que l’avocat et sa cliente s’envolent pour Vienne afin de réclamer la restitution des oeuvres. Une épreuve pour Maria qui vit ce retour en Autriche comme un réel supplice.

Au cours du voyage, les réminiscences d’une enfance dorée et celles d’une époque bien plus sombre la hantent. Celle-ci raconte sa jeunesse tourmentée, l’invasion nazie, la spoliation des tableaux de sa famille, jusqu’à sa fuite aux Etats-Unis.

Le 13 mars 1938, les troupes allemandes envahissent l’Autriche sur ordre d’Hitler, qui l’annexe au 3ème Reich. L’Anschluss a été accueilli avec joie par une partie des Autrichiens qui acclament les soldats défilant sur les grandes avenues de Vienne. Les Autrichiens nazis emboîtent rapidement le pas de leurs nouveaux dirigeants et, au cours d’événements terribles, l’âge d’or de la communauté juive viennoise prend fin brutalement. Les entreprises et les propriétés juives sont confisquées, et les Bloch-Bauer perdent tout.

En 1943, à l’initiative du gouvernement nazi autrichien, les œuvres volées de Klimt sont présentées dans le cadre d’une exposition. C’est à ce moment-là que le portrait d’Adèle est pour la première fois baptisé Dame en Or, afin de cacher les origines juives du modèle.

Petit-fils du compositeur Arnold Schoenberg, autre réfugié viennois, Randol se laisse submerger par des émotions qui lui sont encore inconnues, la douleur et l’infamie qu’ont du endurer ses ancêtres lors du régime d’Hitler.

Ainsi, le combat de Maria Altmann devient son propre combat. Père de famille, il consacre tout son temps à cette affaire. Un lien unique se tisse entre les deux êtres. Comment vivre lorsqu’un passé si douloureux obsède le présent ?

Faute de recours, Maria et Andy décident d’intenter un procès au gouvernement autrichien pour faire valoir leur droit et rendre justice.

Helen Mirren, qui incarne Maria Altmann, s’est imposée dans le monde entier pour ses interprétations sur scène, au cinéma et à la télévision. En 2006, elle a remporté un Oscar, un Golden Globe, un SAG Award et un BAFTA pour son interprétation d’Elizabeth II dans The Queen de Stephen Frears.

Elle incarne avec talent l’esprit d’Adèle Bloch-Bauer à travers Maria Altmann aux côtés d’un Ryan Reynolds surprenant dans le rôle de Randol Schoenberg.

« Je ne crois pas que la valeur de ce tableau ait la moindre importance. L’argent est à sa juste place, là où il aurait toujours dû être. […] Ces œuvres ont été dérobées dans de terribles circonstances et l’État l’a dissimulé pendant très longtemps. C’est quelque chose qu’on ne peut effacer. »

Helen Mirren.

Simon Curtis, réalisateur entre autre du film My week with Marilyn, signe avec ce deuxième long-métrage une histoire émouvante qui se plonge dans les méandres et la psyché de ses personnages.

Le talent du cinéaste réside dans le fait que celui-ci permet d’appréhender la véritable signification de la restitution des œuvres pour Maria Altmann : rendre hommage à sa famille et reconstituer le puzzle fragmenté qu’était sa vie en ramenant sa tante auprès d’elle. « Parce que les gens oublient, surtout les jeunes », l’art n’est-il pas une forme de témoignage ?

Parfois vestige d’un présent devenu passé, le cinéma permet aussi de préserver les histoires de l’oubli. La quête de Maria Altmann montre que la Dame en Or est bien plus que le portrait d’une jeune juive issue de la bourgeoisie. Il est le symbole d’un pays qui se réconcilie avec son terrible passé et qui regarde vers l’avenir.

Bien que certains chefs d’oeuvre mérite un combat, La femme au tableau démontre avec sensibilité et brio que certains combats méritent un chef d’oeuvre.

La femme au tableau, de Simon Curtis. DVD. 90 minutes.

Si vous désirez aller plus loin :

Le secret d’Adèle, de Valérie Trierweiler, aux éditions Livre de Poche. 288 pages. 7,40€.
L’ABCdaire de Klimt, aux éditions Flammarion. 120 pages. 3,95€.
Klimt : dessins et aquarelles, aux éditions Hazan. 400 pages. 25,00€.

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