torah espagne et yemen louvre abu dhabi

torah espagne et yemen louvre abu dhabi

SHARE TWEET SHARE EMAIL COMMENTS Avec pour ambition de devenir un centre majeur dans le paysage culturel international, Saadiyat Island, le « Cultural district » de l’émirat d’Abu Dhabi, devrait accueillir dans les prochaines années nombre d’établissements d’envergure : le Zayed National Museum, qui retracera la culture et l’histoire des Emirats Arabes Unis à travers la vie de leur père fondateur, Sheikh Zayed, dont on célèbre actuellement le 100ème anniversaire de la naissance, le musée Guggenheim, dont les collections ont déjà été acquises mais dont le nom, peut-être un peu trop « juif », semble être un frein au lancement des travaux, un centre des arts de la scène, un musée maritime, ou encore une antenne de l’Université de New York… Un projet d’une ampleur considérable étalé sur une surface de plus de trois cents hectares, et au coût bien évidemment pharaonique. Fer de lance de ce projet, le Louvre Abu Dhabi, premier musée du Cultural district à avoir ouvert ses portes en novembre dernier après bien des retards et des péripéties, a été inauguré en grandes pompes par Emmanuel Macron et le prince héritier des Emirats Arabes Unis, Mohammed ben Zayed. Premier établissement culturel d’une telle ampleur dans le monde arabe, cet événement marque le point de départ du vaste programme muséal et architectural dont veut se doter la capitale émirati. Dès les prémices, l’idée principale était claire et assumée : le Louvre Abu Dhabi sera un lieu de tolérance, de dialogues et d’échange culturels. Pour preuve, lors de la sélection et l’achat des premières œuvres, le Gouvernement et la direction de l’établissement n’ont censuré ni nudité, ni symbole ou appartenance religieuse. « Je souhaite un Louvre comme au Louvre de Paris, avec des nus, des Christ, des artistes juifs, des miniatures persanes, tous ces chefs-d’œuvre qui font l’admiration du monde. » Abdallah ben Zayed Al Nahyane, ministre de la Culture et de la communication d’Abu Dhabi. Avant même de savoir quel nom porterait le prestigieux établissement, c’est le projet de l’architecte français Jean Nouvel qui a été retenu. Déjà à l’initiative de nombreux musées à Paris, de l’Institut du Monde Arabe à la fondation Cartier pour l’Art Contemporain, en passant par le musée du Quai Branly ou la Philharmonie, Jean Nouvel signe avec ce nouveau Louvre un bâtiment d’une rare beauté, surplombé d’un dôme d’acier en moucharabieh de 180 mètres de diamètre et de près de 7.000 tonnes, identifiable de très loin. « Le Louvre Abou Dhabi matérialise un programme exceptionnel au sens littéral du terme. Sa vocation est désormais d’exprimer l’universel à travers les âges. Son architecture se veut le lieu de convergence entre l’immense ciel, la mer-horizon et le territoire du désert. Son dôme et sa coupole impriment le lieu de la conscience du temps et de l’instant par une lumière évocatrice d’une spiritualité qui lui est propre. » Jean Nouvel, architecte du Louvre Abu Dhabi. Répartie dans 55 bâtiments, les riches collections du Louvre Abu Dhabi – au total 600 œuvres s’étalant des origines jusqu’au 21ème siècle, dont 300 sont propriété du musée et 300 autres prêtées par 13 musées français partenaires -, se décomposent en douze chapitres : Les premiers villages, avec les prémices de la représentation humaine et le désir de souder les communautés autour de croyances, Les premières grandes puissances, qui se développent autour des vallées fertiles du Nil, du Tigre, de l’Euphrate, de l’Indus, du Fleuve Jaune, Civilisations et Empires, d’Afrique de l’Ouest, de Méso-Amérique, du Proche-Orient et de Méditerranée avec l’unification politique sans précédent d’Alexandre le Grand, les Religions universelles que sont le bouddhisme, le christianisme, l’islam et le judaïsme, et dont l’expansion, parfois conflictuelle, les mettra en contact avec d’autres croyances d’Orient ou d’Afrique, Les routes commerciales de l’Asie, retraçant les échanges entre la Chine et le monde arabo-musulman, carrefour des continents, via les routes maritimes et terrestres de la soie, De la Méditerranée à l’Atlantique, et l’expansion géographique qu’ont ouvertes les voies maritimes vers le Nouveau Monde, Le monde en perspective, avec la découverte des mathématiques et de l’optique qui vont changer en profondeur le monde de l’art, A la cour du prince où, avec la mise en relation des diverses nations, vont apparaître les premières rivalités dans les symboles du pouvoir, Un nouvel art de vivre, Un monde moderne ?, des premières concurrences commerciales entre les nations jusqu’à le révolution industrielle, La modernité en question et enfin Une scène globale, menant le visiteur jusqu’au 21ème siècle. Douze chapitres donc, qui se succèdent au fil d’un parcours mettant en lumière les thèmes universels et les influences communes, plutôt qu’une scénographie chronologique, stylistique ou civilisationnelle comme cela se fait habituellement. Lieu de tolérance, de dialogues et d’échange culturels donc ? Oui, à n’en pas douter ! Qu’il s’agisse du christianisme, du bouddhisme, de l’hindouisme, de l’islam, de la mythologie gréco-romaine ou sud-américaine, ou même du judaïsme, les œuvres faisant références aux principales croyances et religions cohabitent sur les cimaises et dans les vitrines, tout au long de la visite. La première salle, le Grand vestibule, avec ses « displays » aux formes ciselées, sa rose des vents et son sol couvert de cartes maritime stylisées inspirées des anciennes médibah, rend hommage aux grands explorateurs que furent les arabes. Au sol, divers noms de cités se succèdent, de Madrid à Vienne, de Versailles à Washington, de Bruxelles à Moscou, dans des alphabets allant du cyrillique au grec, en passant par le chinois, l’hindi, l’arabe bien sûr, et l’hébreu… Grand vestibule. Louvre Abu Dhabi. Une fois passé cette première salle, la succession d’ailes et de galeries offre ses collections aux visiteurs. Des collections exceptionnelles, et aussi riches que variées, dans lesquelles on découvre des figures de maternité du Congo, une Statue monumentale à deux têtes, l’une des pièces maîtresse du musée, provenant de Jordanie et datant de 6.500 ans avant l’ère chrétienne, un colossal Ramsès II en diorite de près de trois mètres de haut, un buste de marbre d’Alexandre le Grand, un Orateur romain et un Bodhisattva pakistanais mis en regard afin d’évoquer l’influence artistique grecque dans leurs drapés respectifs, des vitraux de la région de Soissons, un Chicomecoatl ou un Quetzalcoatl du Mexique, des vases en céramique ou en bois peints du Pérou, des Vierge à l’enfant de Venise ou de Crête, un Christ montrant ses blessures originaire de Bavière, des céramiques d’Iznik ou d’Iran, des dagues indiennes en jade incrustées de pierres précieuses, des estampes japonaises, des gravures allemandes, un Buste de Voltaire en marbre signé Jean-Antoine Houdon, divers daguerréotypes dont celui de Joseph-Philibert de Prangey représentant La grande mosquée de Jérusalem (il s’agit en réalité de la Coupole du Rocher, sur le Mont du Temple), ou encore des toiles, sculptures et objets des plus grands noms de l’histoire de l’art, de Cézanne à Monet, en passant par Brancusi, Delacroix, Gauguin, Giacometti, Moser, Hoffman, Derain, Degas, Matisse, Man Ray, Warhol, Ai Weiwei, Van Gogh, Picasso, Kupka, Kandinsky, Magritte, Calder, Klein, ou encore Mondrian, dont la Composition avec du bleu, rouge, jaune et noir est la toute première acquisition du Louvre Abu Dhabi, achetée lors de la vente de la collection Bergé-Saint Laurent au Grand Palais, à Paris… N’omettons pas enfin les trois des chefs-d’oeuvre incontournables prêtés par le Louvre de Paris, le Château de Versailles et le musée d’Orsay : La belle Ferronnière, de Léonard de Vinci, Joconde locale vers laquelle convergent tous les regards, Napoléon Bonaparte, Ier Consul, franchissant les Alpes le 20 mai 1800, signé Jacques-Louis David, et Le fifre, d’Edouard Manet. Comme nous l’avons dit précédemment, le Gouvernement émirati et la direction de l’établissement ont souhaité faire du Louvre Abu Dhabi un lieu où les cultures du monde cohabitent et conversent. On ne sera pas donc pas surpris d’y découvrir de trésors issus des principaux mythes, croyances et religions. Ou plutôt si… Et les œuvres juives, tirées du judaïsme ou d’épisodes de l’Ancien Testament y figurent en bonne place. A notre plus grande satisfaction. Parmi elles, on trouve dans la Galerie 4, consacrée aux Religions Universelles, trois stèles funéraires dialoguant entre elles. La première, provenant de La Mecque, en Arabie Saoudite, date du 9ème siècle environ, la seconde, au nom d’Abu al-Abbas Muhammad, est originaire de la Tunisie Almohade de la fin du 12ème siècle. Enfin, au centre, la stèle funéraire juive de Dame Florie, fille du maître Rabbi Benjamin, date du milieu du 13ème siècle et a été découverte en 1849 lors de fouilles dans le cimetière juif de la rue Pierre Sarrazin, dans le 6ème arrondissement de Paris. Elle provient des collections du musée du Moyen Age – Thermes de Cluny, à Paris, en dépôt au Musée d’Art et du Judaïsme. Stèles funéraires arabes et juive. Louvre Abu Dhabi. Côté peintures, quatre toiles d’importance ne manqueront pas d’interpeller le visiteur au fil de son parcours, toutes faisant référence à des épisodes bibliques. Le Christ chassant les marchands du Temple tout d’abord, signé Luca Giordano : « L’oeuvre montre un épisode de la vie du Christ, lorsque celui ci s’irrite de la présence dans le Temple de Salomon des marchands de bœufs, de moutons et de pigeons. Jésus est représenté à l’arrière plan, en haut du perron du Temple, éclairé par la gloire divine, qui irradie l’intérieur du bâtiment. ll brandit un fouet, comme le signale Saint Jean, et menace ceux qui l’entoure. Tous cherchent à s’enfuir, chassant devant eux les animaux. » Laurence des Cars. Non loin de là, deux toiles traitent d’épisodes relatifs à la vie de Jacob, troisième patriarche après Isaac et Abraham, et qui deviendra Israël avant de donner son nom à la Terre promise. Dans le très beau Songe de Jacob, peint par Murillo vers 1665, on voit le patriarche endormi sur un drapé rouge vif tandis que des anges montent et descendent un escalier de pierre menant au ciel. Juste à côté, brillant exemple de la Renaissance vénitienne, Le voyage de Jacob, de Jacopo Bassano, semble poursuivre le récit de la Genèse… Le songe de Jacob, de Bartolomé Esteban Murillo (vers 1665). Louvre Abu Dhabi. Enfin, autres épisodes bibliques – et non des moindres -, La tour de Babel , d’Abel Grimmer, magnifiquement exposée dans la Salle des Cartes, et Esther s’évanouissant devant Assuérus, de Jean-François de Troy. Avec une facture très inspirée des grands maîtres vénitiens, Jean-François de Troy, auteur de sept autres grands formats de la vie d’Esther, représente ici, avec une attention particulière portée aux tenues et aux décors, la scène où Esther révèle à son époux, le roi Assuérus de Perse, le complot visant à exterminer son peuple. En peinture toujours, on trouvera un peu plus loin deux petites toiles du peintre nabi Edouard Vuillard, Femme de profil au chapeau vert et Le placard à linge, provenant tous deux des collections du musée d’Orsay. Mais le point d’orgue de cette tolérance voulue et affichée revient sans aucun doute à la Salle des Manuscrits Saints qui abrite dans des vitrines et sous une lumière tamisée, pour des raisons de conservation, des ouvrages des trois religions monothéistes. Coran mamelouk aux lettres d’or, Bible gothique en deux volumes de 683 pages rehaussées de 81 miniatures enluminées représentant des scènes de la Création, et bien entendu deux magnifiques exemplaires de la Torah. A gauche, Torah du Yémen, (1498). A droite, Torah d’Espagne (?) (vers 1250-1275). Louvre Abu Dhabi.

Partagez vos impressions

Cet article vous intéresse ? Laissez un commentaire.

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.