A la faveur de la Révolution Industrielle et de l’essor des classes aisées, la “vie à la campagne”, jusque-là boudée au profit des grandes villes, devient à la fin du 19ème siècle un style de vie et d’appartenance sociale. Le travail de la terre n’est désormais plus uniquement réservé aux seuls paysans et agriculteurs, mais devient un “hobby” auquel il est de bon ton de s’adonner.
Que ce soit en Angleterre ou en France, à la manière d’une certaine souveraine se rêvant fermière dans un hameau à mille lieues de la réalité sociale et économique de sa nation affamée, la vie rurale va connaître un développement et un engouement sans précédents. Et avec elle un intérêt croissant pour l’animal domestique, et en particulier le cheval, que l’on supporte depuis les tribunes des hippodromes ou que l’on monte lors de chasses à courre.
Amateurs d’art et grands collectionneurs, le milliardaire américain Paul Mellon et son épouse Rachel Lambert Lloyd, dite Bunny, se passionnent pour cette country life et ses gentlemen farmers.
Paul Mellon, industriel et financier, va découvrir en Angleterre la vie rurale lors de visites à sa famille maternelle. Son intérêt sera tel que le couple, disposant pourtant d’une fortune colossale, fera le choix d’une certaine ruralité, et décidera de transposer ce mode de vie au coeur de la Virginie, dans un domaine de 1.600 hectares. A Oak Spring, Paul élève des chevaux de course, tandis que Bunny, botaniste et paysagiste de renom, s’adonne à sa passion pour le jardinage. Proche de Jackie Kennedy, Bunny Mellon sera, entre autre projet d’envergure, chargée de la rénovation du Rose Garden de la Maison Blanche.
Durant les années qui vont suivre leur arrivée à Oak Spring, Paul Mellon, bibliophile averti, fera ses premières armes de collectionneur avec l’achat d’ouvrages rares, essentiellement basés sur le thème des sports équestres. Mais bientôt, sur les conseils de l’historien d’art Basil Taylor, Paul et Bunny Mellon vont rassembler une collection de centaines de peintures, illustrant la relation fantasmée de l’homme à la nature alors même qu’avec une industrialisation galopante, le paysage rural allait voir son authenticité mise à mal et profondément bouleversée.
Les 41 oeuvres exposées actuellement dans le cadre de l’exposition Country Life, léguées au Victoria Museum of Fine Arts, sont très rarement sorties des Etats-Unis, et certaines sont exposées pour la première fois en France. Elles retracent la passion du couple Mellon pour les chevaux, les sports équestres et le style de vie en plein air, mais aussi leur goût certain quant aux choix des artistes, des classiques britanniques comme George Stubbs, à qui Paul Mellon donnera ses lettres de noblesse en achetant nombre de ses toiles et en devenant son plus grand collectionneur, faisant ainsi grimper sa côte, jusqu’aux romantiques et impressionnistes français, auxquels Bunny porte un grand intérêt.
Articulée autour de quatre thèmes majeurs – les paysages, les portraits de chevaux, la chasse et les courses -, Country Life est présentée dans une magnifique scénographie signée Antoine Plateau, directeur de la décoration de la maison Hermès. Évoquant une des écuries que Paul Mellon avait fait construire à Oak Spring, les oeuvres exceptionnelles de Georges Stubbs, Claude Monet, Raoul Dufy, Berthe Morisot, René Princeteau, Kees van Dongen, Eugène Delacroix, Edgar Degas, Benjamin Marshall, Pierre Bonnard, Théodore Géricault prennent donc place dans des boxes portant des noms de chevaux ayant défrayé la chronique à l’époque : Glint of Gold, Mill Reef, qui en 1971 remportera quasiment tous les prix, du Derby d’Epsom à celui de l’Arc de Triomphe, Winter’s Tale ou encore Sea Hero, tous propriétés de Paul Mellon.
Comme son père avant lui, Paul Mellon léguera son impressionnante collection aux musées américains, à la National Gallery de Washington, avec un don de plus de 1.000 oeuvres, à l’université de Yale, et enfin au Virginia Museum of Fine Arts.
Une très belle exposition accueillie dans un écrin prestigieux, à découvrir jusqu’au 2 décembre 2018.
Country Life. Chefs-d’œuvre de la collection Mellon, jusqu’au 2 décembre au musée de la Chasse et de la Nature.
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